Refonder l’école
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Quel noble projet que de vouloir refonder l’école. Nul doute qu’elle en a bien besoin. Après une décennie au moins de coupes budgétaires et d’anathèmes, l’école ne peut qu’être hantée par la question de son existence.
Qu’est-ce que refonder sinon revenir au fondement. Autrement dit, l’école se serait dévoyée. L’opération de refondation la remettrait sur le bon chemin ou plutôt la ferait de nouveau reposer sur ses vraies bases.
Qu’est-ce que donc que ce fondement de l’école sur lequel elle devrait de nouveau s’appuyer ? On ne sait pas. Mais les actes posés le nouveau gouvernement l’esquissent.
Une des premières décisions fut d’augmenter en apparence les vacances de Toussaint pour cause de rythme scolaire pour immédiatement jeter n’importe comment des journées ou demi-journées de rattrapage qui font fi de tout rythme. Bref, l’essentiel est préservé. Ni les professeurs ni les élèves n’auront de jours de repos supplémentaires. Est-ce à dire que la refondation consiste à refaire ce qui a déjà été fait ? Non. Puisqu’un raccourcissement des vacances d’été est prévu. Augmenter le temps de travail, diminuer les temps de vacances prendra la forme d’une nouvelle organisation de l’année.
La décision de pallier la baisse d’au moins 14000 postes par la création d’un peu plus de 1000 postes est tout aussi significative. Il était possible de titulariser les milliers de vacataires et autres contractuels qui exercent le métier depuis des années pour un bas salaire. Quelle dérision qu’un petit millier de postes au regard des 159000 perdus dans l’éducation nationale depuis 2000 selon le « think tank » Terra Nova, proche de l’actuel pouvoir !
L’annonce d’une nouvelle matière, la « morale laïque », participe bien évidemment de la refondation portée par le nouveau ministre. Elle plaît. Un sondage IFOP montre que 91 % des Français sont pour, les catholiques pratiquants n’étant pas en reste. Rapidement interrogé, qui rejetterait un enseignement qui participerait à l’éducation des enfants, voire des adolescents ? Cette « morale laïque » se distinguerait pourtant de l’ECJS, créée à la rentrée 1999 et qui pourtant visait à résoudre les problèmes d’incivilité et de violence.
Pourquoi donc ce nouvel enseignement de « morale laïque » ?
Selon le ministre « le but de la morale laïque est de permettre à chaque élève de s’émanciper, car le point de départ de la laïcité c’est le respect absolu de la liberté de conscience. Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix ».
Là encore l’intention est certainement louable. Elle laisse pourtant dubitatif puisqu’elle laisse entendre qu’aucun enseignement n’aurait donc ce but : ni les mathématiques qui forment à la rigueur du raisonnement, ni les sciences expérimentales qui remplacent les croyances farfelues par des hypothèses précisément testées, ni l’histoire qui interroge le passé, ni l’économie, ni la philosophie, ni la littérature. Bref, si on comprend bien la nécessité de ce nouvel enseignement, c’est que l’école n’émancipe pas les élèves.
Or, si les disciplines enseignées sont aliénantes, pourquoi ne pas en changer les modalités d’enseignement ou les programmes ou la distribution, etc. Bref, proposer une réforme. Tel n’est pas le cas.
La liste proposée des déterminismes dont il faudrait libérer l’élève est particulièrement intéressante car s’il y a un déterminisme implacable contre lequel la « morale laïque » n’a aucun pouvoir, c’est l’économique. Et est-ce un hasard s’il est absent.
Dès lors, le soupçon s’insinue. Et si refonder l’école n’était que le mot d’ordre d’une politique dont le but est de ne surtout rien changer parce qu’elle n’a aucune intention de toucher à l’ordre économique actuel ? Sa pratique serait tout entière dans le slogan :
La continuité, c’est pour toujours.
Patrice Bégnana