Edito - Crise du coronavirus... Et après ?

lundi 15 juin 2020
par  Sud éducation 66

Christopher Pereira
De mi-mars à mi-mai, deux mois de confinement. Nos corps furent contrôlés dans la plus élémentaire de leur fonction, celle de la mobilité. Pas de déplacements, pas de rassemblements. Pendant deux mois, la quarantaine généralisée du pays a eu pour conséquence la limitation de deux libertés essentielles, la liberté de circulation et la liberté de réunion, garanties respectivement par l’article 13 et l’article 20 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Ces libertés individuelles et collectives doivent néanmoins ne pas être source de danger pour les autres. Dans un tel contexte, elles peuvent être limitées, comme elles le furent ponctuellement, par exemple, avec l’instauration d’un couvre-feu lors des émeutes de 2005. Or, au printemps 2020, le risque en termes de santé publique provoqué par l’épidémie de coronavirus a mené à une limitation des libertés à l’échelle nationale – voire planétaire – inédite depuis la Seconde Guerre mondiale. Les éléments de langage se rapportant au vocabulaire martial de la guerre utilisés par le président Emmanuel Macron lors de sa première allocution sont révélateurs. Le long déconfinement et la prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’à fin juillet nous rappellent que nous ne sommes plus totalement libres. L’incertitude demeure quant à ces mesures, dites d’exception, et le risque qu’elles ne s’instaurent dans la longue durée puis dans la normalité. Ce fut d’ailleurs le cas à la suite des attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan avec l’inscription dans la loi de moyens censés demeurer exceptionnels. S’il semble évident de garantir la santé des concitoyens il ne faut pas pour autant être moins vigilant ni négligent sur la garantie de nos libertés fondamentales.Retour ligne automatique
Outre l’impact psychologique, social, familial – déjà en partie quantifiable par la hausse des actes de violences faites aux femmes et aux enfants mais dont les répercussions ne se mesureront véritablement qu’à long terme – le confinement a eu des conséquences importantes sur le monde du travail notamment pour les enseignants. En effet, comment exercer son métier, celui de la transmission du savoir en salle de classe avec des groupes allant jusqu’à 36 élèves, dans un contexte de confinement ? Très rapidement, les injonctions fleurissent : télétravail, continuité pédagogique, vacances apprenantes. Alors que l’arrêt de l’activité frénétique pouvait nous permettre de prendre le temps de la réflexion, le ministre nous a demandé d’agir dans l’urgence et la précipitation avec un seul objectif, celui de la rentabilité. Comme à son habitude, Jean-Michel Blanquer n’a pas écouté les professeurs et a multiplié les mesures de contrôle de l’activité de ces derniers durant cette période, contribuant à aggraver encore un peu la relation de défiance entre le ministre et les enseignants. Or, la mise en place du télétravail pour les élèves s’est faite avec un vrai cumul de difficultés : un manque de formation aux outils numériques, des outils numériques inadaptés (ENT, serveurs) obligeant les professeurs à utiliser des logiciels privés (ce qui pose problème quant à la protection des données), utilisation à leurs frais par les professeurs de leur matériel personnel (ordinateur, accès à internet, électricité), surcharge de travail et difficulté de gestion face à la multiplication des mails et des corrections en ligne, l’étrange gestion des cours en visioconférence… Bref, il est difficile de faire une liste exhaustive des difficultés rencontrées mais cette situation a apporté un surplus d’angoisse inutile tant pour les élèves et leurs familles que pour les enseignants tout en accentuant les inégalités sociales déjà engendrées par notre système scolaire.Retour ligne automatique
Et « le monde d’après » ? Très rapidement s’est insinué dans le discours médiatique cette expression divisant la période entre un avant et un après. Dans un premier temps, ce discours permet deDe mi-mars à mi-mai, deux mois de confinement. Nos corps furent contrôlés dans la plus élémentaire de leur fonction, celle de la mobilité. Pas de déplacements, pas de rassemblements. Pendant deux mois, la quarantaine généralisée du pays a eu pour conséquence la limitation de deux libertés essentielles, la liberté de circulation et la liberté de réunion, garanties respectivement par l’article 13 et l’article 20 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Ces libertés individuelles et collectives doivent néanmoins ne pas être source de danger pour les autres. Dans un tel contexte, elles peuvent être limitées, comme elles le furent ponctuellement, par exemple, avec l’instauration d’un couvre-feu lors des émeutes de 2005. Or, au printemps 2020, le risque en termes de santé publique provoqué par l’épidémie de coronavirus a mené à une limitation des libertés à l’échelle nationale – voire planétaire – inédite depuis la Seconde Guerre mondiale. Les éléments de langage se rapportant au vocabulaire martial de la guerre utilisés par le président Emmanuel Macron lors de sa première allocution sont révélateurs. Le long déconfinement et la prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’à fin juillet nous rappellent que nous ne sommes plus totalement libres. L’incertitude demeure quant à ces mesures, dites d’exception, et le risque qu’elles ne s’instaurent dans la longue durée puis dans la normalité. Ce fut d’ailleurs le cas à la suite des attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan avec l’inscription dans la loi de moyens censés demeurer exceptionnels. S’il semble évident de garantir la santé des concitoyens il ne faut pas pour autant être moins vigilant ni négligent sur la garantie de nos libertés fondamentales.Retour ligne automatique
Outre l’impact psychologique, social, familial – déjà en partie quantifiable par la hausse des actes de violences faites aux femmes et aux enfants mais dont les répercussions ne se mesureront véritablement qu’à long terme – le confinement a eu des conséquences importantes sur le monde du travail notamment pour les enseignants. En effet, comment exercer son métier, celui de la transmission du savoir en salle de classe avec des groupes allant jusqu’à 36 élèves, dans un contexte de confinement ? Très rapidement, les injonctions fleurissent : télétravail, continuité pédagogique, vacances apprenantes. Alors que l’arrêt de l’activité frénétique pouvait nous permettre de prendre le temps de la réflexion, le ministre nous a demandé d’agir dans l’urgence et la précipitation avec un seul objectif, celui de la rentabilité. Comme à son habitude, Jean-Michel Blanquer n’a pas écouté les professeurs et a multiplié les mesures de contrôle de l’activité de ces derniers durant cette période, contribuant à aggraver encore un peu la relation de défiance entre le ministre et les enseignants. Or, la mise en place du télétravail pour les élèves s’est faite avec un vrai cumul de difficultés : un manque de formation aux outils numériques, des outils numériques inadaptés (ENT, serveurs) obligeant les professeurs à utiliser des logiciels privés (ce qui pose problème quant à la protection des données), utilisation à leurs frais par les professeurs de leur matériel personnel (ordinateur, accès à internet, électricité), surcharge de travail et difficulté de gestion face à la multiplication des mails et des corrections en ligne, l’étrange gestion des cours en visioconférence… Bref, il est difficile de faire une liste exhaustive des difficultés rencontrées mais cette situation a apporté un surplus d’angoisse inutile tant pour les élèves et leurs familles que pour les enseignants tout en accentuant les inégalités sociales déjà engendrées par notre système scolaire.Retour ligne automatique
Et « le monde d’après » ? Très rapidement s’est insinué dans le discours médiatique cette expression divisant la période entre un avant et un après. Dans un premier temps, ce discours permet de dramatiser à outrance la situation pour justifier l’intensité des mesures prises pour le confinement comme celles toujours en place pendant le déconfinement. Or, plus la situation est dramatique, plus il est facile de faire accepter des mesures extrêmes par la population. Dans un second temps, ce même discours place les dirigeants comme les sages et légitimes preneurs de décisions dans une relation infantilisante envers le peuple. Cela permet de faire porter la responsabilité de l’efficacité des mesures sur le respect de ces dernières par la population et non sur la gestion de l’épidémie par le gouvernement. Pourtant, cette gestion est plus que questionnable, notamment sur la question des masques et des tests. Enfin, dans un troisième temps, cette rhétorique pose de façon implicite le monde d’après comme meilleur que celui d’avant. Or, certains signes, dans les décisions gouvernementales, nous montrent que rien n’est moins sûr.Retour ligne automatique
Il est difficile de proposer une analyse « à chaud » de la situation. N’est pas Marc Bloch qui veut. Néanmoins, comme le disait Lénine dans sa Lettre aux camarades de novembre 1917, « les faits sont têtus ». Des milliards d’euros d’argent public pleuvent sans contre-parties à la rescousse des grandes entreprises comme Air France et Renault alors que ces dernières annoncent en même temps des milliers de licenciements. Le gouvernement saute sur l’occasion pour modifier la durée légale du temps de travail en permettant 60 heures de travail hebdomadaire. Les 35 heures sont évidemment dans le collimateur. L’instauration de l’application Stop Covid ressemble à un frémissement de contrôle numérique généralisé de la population alors que cette méthode n’a pas forcément montré de résultats probants dans d’autres pays. On cherche en vain une orientation écologiste dans la politique gouvernementale qui est loin de répondre aux enjeux planétaires à ce sujet. Les promesses de revalorisation du secteur hospitalier ne se sont concrétisées jusqu’à maintenant que par l’attribution d’une médaille et l’on ne peut qu’espérer une maigre obole pour nos soignants. Quant aux enseignants, Blanquer promet encore et toujours une revalorisation salariale dont tout porte à croire qu’elle sera de toute façon conditionnée à une modification de nos statuts et à une augmentation du temps de travail. Face à ce constat, le monde d’après ressemble curieusement au monde d’avant, en pire...