ALAIN REFALO, RÉSISTER ET ENSEIGNER DE FAÇON ÉTHIQUE ET RESPONSABLE. Éditions Golias, mars 2011

jeudi 16 juin 2011
par  Sud éducation 66

Par Marc Anglaret

Il est bien sûr inutile de rappeler qu’Alain Refalo est le premier enseignant « désobéisseur ». Professeur des écoles en Haute-Garonne, il a écrit le 6 novembre 2008 une lettre à son inspecteur de circonscription intitulée « en conscience, je refuse d’obéir »(1). Il a été durement sanctionné pour cet acte de résistance.

Le titre de son livre est une référence à la « définition des compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d’éducation pour l’exercice de leur métier » (Bulletin officiel n°29 du 22 juillet 2010), la première de ces « compétences » étant intitulée « Agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable », qui constitue également aujourd’hui une épreuve à l’oral du capes et de l’agrégation. Mais cette référence n’est pas une simple allusion ironique : c’est précisément au nom de l’éthique et de la responsabilité qu’Alain Refalo a désobéi et qu’il nous invite à faire de même.

L’intérêt de ses analyses concerne notamment le domaine de l’action syndicale : « En réalité, les syndicats majoritaires sont en retard de plusieurs batailles. Ils ont oublié que ce pouvoir a parfaitement retenu les leçons du passé et qu’il s’accommode désormais d’une contestation légale quand bien même elle serait massive dans la grève. Le mouvement des retraites de l’automne dernier en a encore donné une illustration frappante. Finalement, [le pouvoir] n’attend qu’une seule chose : que les syndicats continuent à s’opposer par la grève et la manifestation. »

À cette « contestation légale » qui a largement montré son inefficacité, Refalo oppose bien sûr la désobéissance, qui doit selon lui être :

– « éthique », c’est-à-dire conforme à l’idée que nous nous faisons de notre métier, ce qui nous amène à refuser de cautionner des contre-réformes destructrices de l’éducation ;

– « pédagogique », ce qui signifie que toute désobéissance doit s’accompagner de propositions alternatives. Par exemple, le refus des évaluations nationales est complété par la mise en œuvre « des évaluations dites diagnostiques qui servent à repérer les erreurs et les lacunes des élèves et permettre la mise en place de dispositifs de remédiation adaptés » ;

– « affichée », autrement dit accomplie au grand jour et même revendiquée. Il ne s’agit pas seulement ici d’honnêteté intellectuelle, mais d’efficacité, puisqu’une désobéissance publique et assumée (comme l’est d’ailleurs toute désobéissance civique) a de grandes chances d’attirer la sympathie de l’opinion publique et permet également une visibilité médiatique évitant la désinformation toujours possible de la part de l’administration.

– « responsable » enfin, au sens où non seulement elle ne nuit pas à l’intérêt des élèves, mais y contribue au contraire, puisqu’elle leur permet d’échapper aux effets néfastes des « réformes » combattues. L’argument contre la grève en tant que « désertion », avancé avec plus ou moins de mauvaise foi parfois par les enseignants eux-mêmes, est ainsi écarté.

Sans prétention intellectuelle, ce livre simple constitue en définitive une contribution de première importance au débat sur les formes que peut prendre l’action militante, notamment pour ceux qui sont lassés par les grèves d’un jour…

(1) On trouvera le texte intégral de cette lettre, qui explique les motifs de la ésobéissance d’Alain Refalo, sur le site « Résistance pédagogique pour l’avenir de l’école : http://resistancepedagogique.blog4ever.com/blog/lire-article-252147-1030669-en_conscience__je_refuse_d_obeir___.html