2018 : derrière la com’, encore une cure d’austérité pour l’éducation
par
Patrice Bégnana
La nouvelle vient de tomber : le nombre de postes au concours est en forte baisse. 5 833 postes sont proposés pour le Capes externe cette année contre 7 315 l’an dernier. Pour l’agrégation externe, c’est 1 555 postes sont prévus, contre 1 920 l’an dernier.
Le gouvernement justifie cette baisse en invoquant les postes non pourvus.
L’argument est doublement fallacieux. D’une part, il y avait 6 011 postes pourvus au Capes externe l’an dernier. Il y a donc une baisse nette de 178 postes. Pour l’agrégation, 1 709 avaient été pourvus. La baisse là encore est nette : moins 154 postes. Mais dans le détail, il y a des baisses de postes là où tous avaient été pourvus : 540 postes en histoire-géographie contre 680 postes, tous pourvus l’an dernier. Cette discipline absorbe l’essentiel de la baisse. Il est clair qu’ainsi la perte de postes sera plus importante puisqu’il y aura des postes non pourvus dans des disciplines comme les lettres classiques où 183 postes sont ouverts cette année contre 230 l’an dernier pour 85 postes pourvus.
D’autre part, il appartient au gouvernement de rendre impossible les postes non pourvus sans remettre en cause la souveraineté des jurys. Il suffit d’établir des listes complémentaires. Car, il ne faut pas s’y tromper, les postes non pourvus seront occupés par des contractuels en CDD ou en CDI, qui, pour certains d’entre eux, auront été refusés par des jurys pour des exigences qui disparaissent lorsqu’il s’agit de les sous-payer pour faire le même travail que les autres.
Pendant ce temps, l’augmentation des effectifs scolaires demeure. Aucune perspective d’amélioration des conditions de travail ne se dégage. Si on ajoute à cela le gel des salaires, il est clair que les signaux envoyés par le gouvernement sont clairs : le service public d’éducation est le dernier de ses soucis. On revient ainsi à la politique que nous avons connue entre 2000 et 2012 où les postes baissaient avec plus ou moins d’intensité. Est-ce étonnant quand on sait que l’actuel ministre fut directeur général de l’enseignement scolaire pendant la grande période de suppression de postes du ministère Chatel ? Le président Macron qui se prétend de droite et de gauche a choisi pour l’éducation d’être de droite et de droite.
L’annonce d’une réforme du lycée dans ce contexte n’annonce rien d’autre qu’une tentative de diminuer l’offre d’enseignement. Elle est dans la droite ligne de la réforme du collège que le gouvernement a gardée tout en la modifiant de façon cosmétique. Réduction des coûts en supprimant des épreuves du baccalauréat. Augmentation du travail sans compensation pour ceux qui assureront le contrôle continu.
Dans l’hypothèse où les filières disparaîtraient, le regroupement dans des classes de 36 élèves ou plus s’effectuera sans difficultés. Les discours lénifiants sur la réussite de tous, la préparation à l’enseignement supérieur seront les paravents idéologiques du froid calcul financier. L’État doit faire des économies pour que les plus fortunés puissent payer moins d’impôts.
La réforme Chatel était déjà une mauvaise réforme. Aussi nous trouvons-nous, tel Ulysse sur la mer, entre Charybde et Scylla : refuser une mauvaise réforme pour en garder une mauvaise ou accepter une mauvaise pour se débarrasser d’une mauvaise.
Mais comme il faut occuper le terrain médiatique et soulever des problèmes qui concernent peu de monde, le ministre a annoncé la création d’unités laïcité, l’une nationale composée de « sages » et les autres dans chaque académie. Cette sorte de brigade interviendra pour soutenir les professeurs qui ont des problèmes de laïcité. Lors du grand jury LCI, le ministre a avoué qu’il n’a aucune statistique sur une recrudescence de problèmes liés à la laïcité. Un des exemples pris par le ministre lors de cette émission est édifiant : des élèves refusent qu’un professeur de SVT soutienne que la Terre tourne autour du Soleil car c’est contraire à leur conviction créationniste. L’unité laïcité pourra alors intervenir. On reste sans voix. Nul doute que l’astronomie est devenue une branche fondamentale des SVT. Nul doute que les créationnistes de toute obédience menacent les professeurs de SVT qui sont incapables de trouver des preuves de ce qu’ils avancent. C’est clair : la laïcité est une nouvelle discipline scientifique qui devrait permettre de résoudre tous les problèmes dans des classes surchargées, avec de non moins nombreux contractuels en CDD ou CDI. Il ne restera plus aux professeurs des écoles qu’à faire tous les jours la même dictée, celle du début de la loi de 1905 :
« Article 1 - La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Article 2 - La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.
Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. »