Violence d’Etat contre les contestations lycéennes (Volet1)

lundi 30 mars 2020
par  Sud éducation 66

Karine Abauzit

La loi et les armes contre les résistances populaires à la politique ultra-libérale

Avant même d’appliquer sa politique de destruction massive de tout ce qui fait du commun (casse du code du travail, des services publics, du bac national, des retraites…) Macron et ses sbires ont pris soin au préalable de mettre en place contre les résistances populaires que cette politique ultra-libérale allait engendrer, l’arsenal répressif qui passe par la législation et les violences policières. Ainsi dès l’été 2017 l’état d’urgence est intégré dans le droit commun pour criminaliser les mouvements sociaux ; parallèlement 22 millions d’euros sont déboursés dans des commandes massives de LBD, grenades GLI-F4, etc.

Ainsi, la répression du mouvement des Gilets Jaunes depuis 2018 sera sans précédent sous la Vème République. Au 19 février 2020, sur 880 signalements, on compte 2 décès, 325 blessures à la tête dont 25 éborgnés, 5 mains arrachées, 166 intimidations, insultes, entraves à la presse. C’est aussi une judiciarisation massive avec plus de 10000 interpellations et 1000 personnes qui prennent des peines d’emprisonnement entre décembre 2018 et septembre 2019.

Dans l’Éducation en particulier, en décembre 2018, alors que le ministère instrumentalisait le débat sur l’article 1 de son projet de loi pour essayer de persuader les personnels qu’ils ne disposaient pas de la liberté d’expression, se multiplient les convocations, pressions, mesures d’intimidation contre les personnels qui s’exprimaient contre sa politique. A titre d’exemple on citera qu’après une heure d’info syndicale sur la réforme du lycée en décembre 2018 un collègue vient raconter dans le bureau du proviseur adjoint ce qui s’y est dit, sur ce le proviseur adjoint hurle au chef d’établissement dans le couloir : «  Il y a une dangereuse agitatrice, il faut la signaler à la Dasen !  »

Cette réforme de l’Éducation qui détruit tout ce qui représente du collectif (collectif classe, diplômes nationaux…) se fait à grands coups de d’arrestations et de mutilations. Mais d’autres moyens moins spectaculaires sont aussi à la disposition du pouvoir et sont largement employés : censure, intimidations, sanctions administratives, violences judiciaires.

Dans ce cadre, les lycéen·ne·s mobilisé·e·s depuis plus d’un an ne sont pas entendu·e·s et subissent une répression inédite. État des lieux.

Après l’arrestation de 151 jeunes menotté·e·s, maintenu·e·s à genoux plusieurs heures puis emmené·e·s en garde à vue pour le simple fait de se trouver aux abords d’un lycée mobilisé en décembre 2018 à Mantes·la·Jolie, et alors qu’en décembre 2018 un élève s’est retrouvé la joue déchiquetée suite à un tir de LBD, la répression reprend et s’intensifie depuis décembre 2019 sur les lycéen·ne·s.

Le 12 décembre 2019 des lycéen·ne·s se sont rassemblé·e·s devant le lycée Jules Fil à Carcassonne contre Macron et son monde. Là, des agents de la BAC ont surgi, suscitant un mouvement de panique parmi les lycéen·ne·s. Ils se sont rapidement engagés dans une course poursuite qui a conduit à l’arrestation extrêmement violente d’un frêle enfant de 15 ans, par un plaquage brutal sur le trottoir. Certain·e·s, en réaction immédiate pour protéger cet enfant, se sont jeté·e·s sur les policiers ; ils et elles se sont fait abondamment gazer ou ont été menacé·e·s d’interpellation. Certain·e·s ont filmé, et un policier a ordonné à une jeune fille qui le filmait en toute légalité d’arrêter immédiatement, brandissant sa matraque télescopique et lui en assenant un coup dans les côtes alors qu’elle refusait à renoncer d’agir selon son bon droit. La jeune fille en service civique dans un établissement de la ville subira des pressions du chef d’établissement qui l’oblige à démissionner. Quant au jeune lycéen blessé, il a été placé en garde à vue 24h où il a subi pressions et insultes racistes. Il passera ensuite au tribunal et prendra des mesures de réparation. Pas un mot dans les journaux, pas un geste de soutien de la part des collègues envers ce jeune. Comme il y avait eu des jets de pierre, il était probablement coupable selon eux et méritait ce qui lui arrivait. Mais cela préfigurait ce qui allait se passer dans les beaux quartiers parisiens un mois plus tard.

En effet, en janvier démarrent dans tout le pays les E3C et les mobilisations lycéennes s’organisent : face à elles les proviseurs et les flics marchent main dans la main pour les faire taire. Interpellations, convocations, conseils de disciplines, poursuites et menaces directes sont le lot de celles et ceux qui luttent.
La répression est montée d’un cran avec la garde à vue de 4 lycéens parisiens, ceux-là ont eu un soutien de la part des parents, enseignants et militants.

Depuis la rentrée des vacances de février la mobilisation a repris dans les lycées. Avec un phénomène nouveau dans certains lycées d’Île-de-France : les élèves refusent massivement d’aller composer. C’était le cas à Paul Valéry à Paris ou à Colbert, mais aussi au lycée Newton à Clichy-la-Garenne.

Dans certains établissements les épreuves se passent sous la surveillance et la menace de policiers cagoulés et armés ; par exemple au lycée Hélène Boucher à Paris, dans les lycées François Mauriac, à Bordeaux et Max Linder, à Libourne. Au lycée Mozart au Blanc-Mesnil, c’est une nouvelle brigade qui a été testée, les EMS, équipes mobiles de sécurité du Rectorat. Le communiqué des enseignants du lycée raconte : «  Ils se sont mis à invectiver les élèves en les bousculant, les ceinturant, les molestant, n’hésitant pas à jouer de leur force physique : une élève a été blessée, une parente d’élève violemment bousculée.  »

De fait, la présence policière est permanente sur les lycées et les gardes à vue se multiplient pour endiguer la détermination lycéenne.

Penser la réaction…

Tout d’abord il faut bien comprendre qu’un tel niveau de répression dénoncé par de nombreuses institutions internationales telles que l’ONU, la Cour européenne des Droits de l’Homme, Amnesty International montre à quel point ce pouvoir a perdu toute légitimité. Ne pas avoir peur est la première des leçons à tirer.
Ensuite il faut savoir que pour résister au mieux il faut d’abord bien connaitre ses droits. Ainsi en région parisienne les lycéen·ne·s sont invités par la Défense collective Paris - Banlieues le 26 février 2020 à une «  une formation juridique pour apprendre à se défendre ensemble face aux différentes formes de répression vécues par les lycéen·ne·s, dans les locaux de la CNT au 33, rue des Vignoles.  »
Ainsi différents collectifs organisent la diffusion de l’information, ce sont des collectifs d’avocats que l’on peut contacter, ce sont des livrets, des applications telles que Bad Citizen…
Puis faire connaitre la répression par des rassemblements physiques et la diffusion de l’information aussi bien dans les médias alternatifs que mainstream quand c’est possible et dans les différents recensements des violences policières et de la répression, comme par exemple celui-ci :
Répression des luttes dans l’Éducation - https://www.google.com/maps/d/viewer?mid=1P-gwzGk0j5KW0Xq1NbYxfWBiF0gyMrpA&usp=sharing.
Il semble nécessaire d’engager une réflexion collective au niveau local et des formations pour mieux résister à cela et ne pas laisser les lycéen·nes· seul·e·s face à cette répression.