Rythmes scolaires, l’expérience narbonnaise (On the r’Aude again !)

vendredi 21 mars 2014
par  Sud éducation 66

Les vendredis 24 et 31 janvier, nous sommes vaillamment parti·e·s en territoire audois faire la tournée des établissements. Trois équipes venant des PO et de l’Hérault, armées de plans, journaux, bandeaux, affiches et punaises, prêtes à affronter tous les panneaux d’affichage, même les plus récalcitrants !
Cette tournée nous a permis de prendre le pouls des écoles déjà passées à 4,5 jours à Narbonne et de celles en attente de savoir à quelle sauce elles allaient être mangées l’année prochaine. Partout nous avons ressenti une envie, voire un besoin de parler. De manière générale, nous avons été très bien accueillis et remercions les personnels qui nous ont accordé un peu de leur temps pour nous livrer leurs expériences et nous permettre de mieux cerner et d’anticiper les problèmes liés à la mise en place de la réforme Peillon.

LA SITUATION NARBONNAISE

À Narbonne, les nouveaux horaires sont : 8h30-11h30 /13h15- 15h30. Outre le mercredi matin travaillé, le temps de présence à l’école sur la journée pour les enfants qui vont en plus à la garderie et à l’accueil périscolaire a augmenté par rapport à l’année dernière. Après la classe, l’accueil périscolaire se décompose en deux temps : un premier temps d’accueil gratuit jusqu’à 17h puis un temps payant. Les temps d’animation sont assurés par des animateurs, mais également par les agents d’entretien dans les écoles élémentaires, par les ATSEM dans les maternelles. Dans l’immense majorité des écoles visitées où nous avons eu l’occasion de discuter avec les personnels enseignants et agents des collectivités territoriales, la réforme ne passe vraiment pas.

LA RÉFORME, CÔTÉ ÉLÈVE

Pour ceux qui sortent à 15h30, la réforme passe bien mieux que pour ceux qui partent à 17h (la grande majorité des élèves) et que pour ceux qui subissent la double peine d’une demi-journée supplémentaire et d’une journée plus longue. Ce sont les plus petits qui en pâtissent le plus : temps de présence à l’école allongé, perte de repères, activités périscolaires inadaptées ou trop « scolaires ». En maternelle, l’absentéisme du mercredi matin semble rester une donnée récurrente.

LA RÉFORME, CÔTÉ ENSEIGNANTS

Ils/elles ressentent dans l’ensemble une plus grande fatigue, même si la sortie à 15h30 est appréciable. En dehors de cette fatigue, les principales difficultés rencontrées sont :
• la multiplication des horaires de sorties qui font des écoles de véritables moulins.
• le changement de missions des agents d’entretien et des ATSEM qui n’ont plus le temps d’assurer correctement le ménage dans les locaux.
• la confusion pour les parents et les élèves, plus particulièrement en maternelle, entre l’école, la garderie, le TAP, tout se faisant dans les mêmes locaux, avec parfois les mêmes personnels endossant jusqu’à trois rôles différents en une journée, et faisant les mêmes activités qu’à l’école (lecture, informatique...). Les enseignants ont souvent à gérer des événements qui se passent sur le temps périscolaire et ont parfois l’impression d’être en concurrence avec des animateurs considérés comme « plus gentils » qu’eux.
• l’utilisation des locaux pour les corrections, affichages, réunions, préparations... après la classe, qui reste une activité assez courante chez les enseignants, se heurte à plusieurs difficultés : utilisation des locaux (y compris parfois de la classe) par le périscolaire, activités souvent très « bruyantes » dans des salles voisines ou dans les couloirs, plages horaires de nettoyage des locaux déplacées, etc .
Point de vue rythmes, beaucoup d’enseignants disent sentir qu’ils ont réellement besoin de la coupure du mercredi. Une enseignante ayant travaillé il y a quelques années en région parisienne où l’école se faisait encore le samedi matin, nous a même dit sentir une vraie différence en terme de fatigue et que le raccourcissement des journées ne compensait finalement pas la perte de cette coupure du mercredi. Le constat fait par les enseignants sur l’état de fatigue des élèves est également quasi unanime.

LA RÉFORME, CÔTÉ AGENTS TERRITORIAUX

Les ATSEM se sont vu attribuer de nouvelles missions, dans la précipitation de l’application de la réforme, sans avoir été consulté·e·s et sans avoir franchement le choix. Ne parlons pas de la formation : ils/elles n’en ont évidemment pas eue ! Généralement ils/elles font ce qu’ils/elles savent faire et reproduisent ce qu’ils/ elles font en classe. Mais évidemment aucun temps ne leur a été octroyé pour préparer ces activités. Quant au ménage dont ils/elles sont officiellement en partie déchargé·e·s, il ne peut être fait correctement puisque de renforts elles n’en ont pas ou peu.

Nous vous invitons à consulter la lettre aux parents n°4 de la mairie de Narbonne (novembre 2013) qui en dit long sur les « ajustements » faits après la première période scolaire [http://www.narbonne.fr/sites/default/files/lettre4.pdf]. Au-delà du discours rassurant, on peut lire en filigranne les dégradations des conditions de travail pour les agents et une conception très « garderie » de ce temps périscolaire. Voici un extrait sur les aménagements pour les maternelles et meilleures conditions de travail pour les ATSEM :
• de 15h30 à 15h50 : c’est la récré fruitée, l’enfant mange un fruit.
• de 15h50 à 16h05 : 15 minutes de jeu libre.
• de 16h10 à 16h45 : clubs ludiques.
• de 16h45 à 17h : 15 minutes de jeu libre.
• 17h : arrivée des parents en présence des ATSEM.

Cet ajustement pour les maternelles permet aussi d’améliorer les conditions de travail des ATSEM, ces personnels dédiés aux enfants dont la présence, aux côtés des animateurs ALAE dans le temps périscolaire, est essentielle. La mise en place des deux temps de récréation permettra ainsi aux ATSEM de poursuivre le rangement de leur classe pour le lendemain tout en maintenant leur présence sur les temps d’animations qui correspondent à leur cœur de métier. Elles restent l’interlocuteur privilégié des parents à la sortie de l’école.
Une bonne partie des récits des collègues ne nous ont pas étonnées : beaucoup de problèmes qu’ils rencontrent étaient prévisibles. Mais ce qui était difficile à anticiper, c’est que le poids de cette réforme pèserait particulièrement sur les écoles maternelles dans leur ensemble, sur les élèves, sur les enseignants et plus particulièrement sur les ATSEM qui nous ont semblé être dans cette affaire, la variable d’ajustement idéale pour les mairies soumises au double impératif de trouver du personnel pour assurer ces nouvelles missions et ce dans un cadre budgétaire limité.

Pour finir, petite réflexion d’un collègue : cette réforme n’apporte rien de bon ni aux élèves, ni aux personnels, bien au contraire.
À quoi sert-elle si ce n’est à transférer des missions de l’école aux collectivités et à nous pousser vers la territorialisation de l’éducation ? C’est une bonne question !

Héléna Molin.