Parcoursup ou comment « envisager l’avenir avec confiance » avec « plus de transparence »...

lundi 19 mars 2018
par  Sud éducation 66

Marie‐Laure Gayerie

Il y a dans la nouvelle plateforme Parcoursup l’idée que les problèmes tout aussi bien d’affectation que d’échec en première année d’enseignement supérieur étant facilement identifiables, il serait facile d’y apporter des solutions.
Les trois problèmes majeurs dénoncés par le gouvernement seraient d’une part le manque d’information des lycéens, ce qui les conduirait à choisir des filières non adaptées à leurs profils ; d’autre part le fonctionnement “obscur” de l’affectation (cf. le tirage au sort d’APB), et pour finir le manque d’accompagnement dans la construction des parcours d’orientation.
Rappelons tout d’abord que les problèmes d’affectation et de réussite dans le supérieur dont on nous parle sans arrêt concernent en réalité essentiellement l’université et beaucoup moins les CPGE, écoles d’ingénieurs ou de commerce qui scolarisent la grande majorité des meilleurs lycéens.
En ce qui concerne le premier point évoqué, à savoir le manque d’information, croit-on réellement qu’à l’heure d’Internet, de la multiplication des salons, journées portes ouvertes et autres carrefours des métiers, ce serait d’information que les lycéens auraient le plus besoin ? Comme s’il suffisait d’informer les fumeurs sur les dangers de la cigarette pour qu’immédiatement ces derniers arrêtent de fumer !
La réponse est bien évidemment non ! Car, à supposer qu’il existe une information totalement fiable, la question est de savoir ce que va en faire le lycéen, de comment il va se positionner en tant qu’individu ayant sa propre histoire, son propre parcours.

Est-ce par manque d’information que le bachelier professionnel qui a été refusé en BTS et qui, refusant de gonfler les chiffres de Pôle emploi, préfère gonfler ceux des effectifs universitaires ? Que le bachelier S inscrit en mathématiques pour faire plaisir à des parents de plus en plus inquiets, décroche au bout d’un semestre pour se réorienter en psychologie ? Que le bachelier technologique, orienté par défaut dans une filière qui l’intéresse peu, s’autorise soudain à aller vers un cursus plus proche de ses projets ?
Est-ce encore par manque d’information que l’étudiant quittant le cocon du lycée a parfois besoin d’un peu plus de temps pour acquérir l’autonomie nécessaire à sa réussite ?

Au-delà de la diversité des parcours, quand on prend le temps d’écouter les étudiants, on se rend compte que cette information sur les supposés «  conditions de la réussite  », les étudiants la connaissent déjà la plupart du temps, mais il y a tellement d’autres éléments à prendre en compte ! L’information est là, disponible, certains s’en saisissent d’autres non, et il serait peut-être judicieux de se poser la question du «  pourquoi ?  ».

Venons en au deuxième point, à savoir le besoin de transparence avec lequel personne ne peut être en désaccord. Là aussi, il faut se recentrer sur l’université, car les filières sélectives ont depuis longtemps énoncé très clairement leurs critères de sélection.
Donc l’université ne va plus tirer au sort les candidats ! Mais au lieu d’augmenter les capacités et de donner les moyens d’accompagner les lycéens les plus fragiles, Parcoursup demande aux conseils de classe d’émettre des avis sur l’ensemble des vœux d’orientation des élèves.
Dans le même temps, il est interdit de parler de sélection car les universités, dans les réponses possibles, ne répondront jamais «  non  » mais seulement «  en attente  » en cas de dépassement des capacités d’accueil. “Attente” qui peut durer jusqu’au 20 septembre, soit… trois semaines après la rentrée ! Mais jusqu’à quel point l’université pourra-t-elle refuser les élèves puisque la sélection y est toujours interdite ? Dans ce cas, à quoi servent tous ces avis émis par les conseils de classes ? Du coup peut-on réellement parler de transparence ? Et si toutes ces tergiversations n’étaient là que pour nous préparer à la future sélection à l’entrée à l’université dont on nous dit qu’elle est la seule solution ?
Ce qui est sûr, c’est que les élèves de terminale ont actuellement de plus en plus de difficultés à «  envisager l’avenir avec confiance  » (cf. l’explosion de la demande de coachs en orientation), ce qui nous amène au troisième point, à savoir l’accompagnement des élèves dans leurs choix d’orientation.
On aurait pu imaginer que le recrutement des Psy EN EDO s’en trouverait renforcé, mais pas du tout.
Ainsi nous apprenons que dans la future réforme du lycée, il est question de créer des «  certifications d’orientation  » afin que les enseignants prennent toute leur part dans cet accompagnement. Au-delà du mépris vis-à-vis de personnels recrutés à bac +5 et formés pendant une année supplémentaire, ne faut-il pas voir là aussi la nécessité de dissocier encore une fois l’orientation / information de la psychologie ?
Ne faut-il pas voir derrière tout cela l’idée que l’orientation peut et doit se construire de façon logique et rationnelle ? Ce qui nous ramène à l’idée précédente, celle qui réside dans l’illusion que les choix des lycéens bien informés seraient des choix rationnels et qui coïncideraient parfaitement à ce qui leur est destiné.
Sous un discours rempli de «  bienveillance  » de «  réussite pour tous  » comment ne pas voir d’abord un souci d’économie, d’efficacité, en un mot de rationalisation des moyens en renvoyant chacun à son appartenance sociale ?
Si tel n’était pas le cas, il y aurait bien longtemps qu’un réel accompagnement aurait été mis en place au sein des universités avec des moyens en personnels et en locaux.
Méfions-nous des mondes rationnels, soi-disant justes et parfaits !