Non, c’est pas ça la laïcité !

lundi 4 octobre 2021
par  Sud éducation 66

Marc Anglaret

Lancée fin août, la « campagne nationale de communication pour promouvoir la laïcité à l’École » menée par le Ministère de l’Éducation nationale a beaucoup fait parler d’elle, et pas en bien. Deux reproches principaux lui ont été adressés, à juste titre.
Premièrement, elle est hors sujet, car à l’exception d’une des huit affiches, elle ne parle pas de laïcité, mais d’assimilation (et non d’intégration1) et de mixité. Cette erreur grossière en dit long sur la confusion qui règne chez les initiateurs de cette campagne. Il faut donc rappeler que la laïcité n’est pas le simple « vivre ensemble », pour reprendre une formule aussi candide que floue. Et surtout, elle ne revient en aucun cas à l’assimilation, c’est-à-dire à l’abandon, de la part des étrangèr·e·s ou des Français·es d’origine étrangère, des spécificités de leur culture d’origine. La laïcité donne notamment à tou·te·s la liberté d’exprimer publiquement ses différences, par exemple (mais pas seulement) en matière de religion. Or, c’est en vain qu’on cherchera dans les affiches de cette campagne la moindre trace de cette liberté, pourtant essentielle au concept de laïcité. Au contraire, elles insistent toutes sur l’indifférenciation des élèves, que seuls leurs prénoms et leurs couleurs de peau distinguent. Quant aux religions et à l’absence de religion, elles sont complètement invisibles de ces huit affiches sur la laïcité… il fallait le faire !
Rappelons qu’on peut définir le principe politique de laïcité par deux objectifs, la liberté de croire (ou pas), de pratiquer (ou pas) et d’exprimer publiquement ses (in)croyances, et l’égalité de tou·te·s, croyant·e·s ou non, devant la loi. Pour atteindre ces deux objectifs, la laïcité suppose d’une part la séparation de l’État et des institutions religieuses, d’autre part la neutralité de l’État, des services publics et de leurs représentant·e·s. C’est ça la laïcité !
Deuxièmement, cette campagne entretient perfidement, sous une apparence antiraciste, le préjugé selon lequel ce sont les élèves issu·e·s de l’immigration qui posent des problèmes de laïcité, et qui imposent donc de rappeler ce qu’elle est (et on a vu avec quel amateurisme) ; il y a en effet sur les affiches une surreprésentation statistique d’élèves non blanc·he·s. Ce second reproche fait à cette campagne est révélateur de la droitisation des débats publics sur la laïcité ces dernières décennies dénoncée notamment par Jean Baubérot2. Mais venant de ce gouvernement, comment s’en étonner ?
SUD éducation fait partie des nombreuses organisations (syndicales, associatives et politiques) qui dénoncent à la fois la confusion et le racisme implicite de cette campagne d’affichage.


1. Sur cette distinction, lire par exemple l’article du Monde « Intégration ou assimilation, une histoire de nuances » (https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/11/11/integration-ou-assimilation-une-histoire-de-nuances_5029629_3232.html
2. Jean Baubérot, Les sept laïcités françaises (2015) : un ouvrage clair qui résume bien l’histoire de la laïcité en France et évite d’en faire un concept abstrait, prétexte à toutes les récupérations droitières et islamophobes.