Masterisation = précarisation

lundi 14 décembre 2009
par  Sud éducation 66

Par Francis Maury

Étudiants, PE1, PLC1, M1... Vous qui avez comme projet de devenir enseignants… On vous vend le master comme le sésame de la revalorisation du métier d’enseignant. Grâce à lui (et à l’obtention du concours, tout de même) :
- vous êtes censés obtenir un salaire substantiellement plus important à l’entrée de carrière,
- vous allez monter en grade dans les échelons universitaires et être les heureux titulaires d’un bac + 5 !
- vous allez devenir employables sur le marché européen !

Bac + 5 = employables et jetables !

En cas d’échec au concours, votre diplôme fera de vous des spécialistes es éducation recrutables et jetables par le rectorat, voire directement par chaque établissement, pour des petits bouts de contrats éphémères et précaires (l’agence nationale du remplacement, mise en place cette année, est là pour ça…).
Ces contrats précaires, qui offrent à l’administration une gestion plus souple et des profs plus dociles, risquent fort de devenir la norme au sein de l’éducation nationale. D’année en année les places au concours seront de plus en plus réduites jusqu’à disparaître certainement un jour.

Censée vous apporter un diplôme universitaire réconfortant en cas d’échec aux concours, la masterisation est en réalité la pierre d’angle d’un dispositif idéologique qui va permettre le détricotage des statuts, la précarisation de la fonction publique, la déréglementation tant poursuivie par le gouvernement en place.

Revalorisation ?

Le gouvernement vous promettait la revalorisation des salaires. La cinquième année (M2) ne sera plus rémunérée. On revalorise en supprimant une année entière de salaire ? Et cela, si vous accédez au statut de fonctionnaire car en cas d’échec, les grilles de salaires applicables pour les contractuels seront bien inférieures à celles des titulaires. Ajouter une année d’étude non rémunérée, alors que plus de la moitié des étudiants sont contraints de travailler pour financer leurs études (impossible en M2 au vue de la charge de travail : cours + stages + mémoires + préparation du concours !), c’est une sélection sociale inavouée, que ne saurait compenser le saupoudrage actuel des bourses.

Vous serez la première génération d’enseignants à vous retrouver sur le terrain sans aucune formation rémunérée.

Dans le premier degré, PE1, vous trouviez que l’organisation des stages en responsabilité cette année était scandaleuse ? Mais il y a bien pire :
L’année prochaine les quelques uns qui auront au prix d’une année d’abnégation et de boulot intensif enfin obtenu le concours, seront lâchés dans les classes dans n’importe quelles conditions et pour toute l’année à la fin de laquelle seulement, s’ils ont survécu, ils seront titularisés. Les autres, c’est à dire la majorité d’entre vous, vont se retrouver en M2 à devoir re-préparer le concours qui d’ici là aura changé dans ses contenus, tout en préparant un mémoire de recherche et en assurant 108 heures de stages sur le terrain (à comparer avec les 500 heures actuelles).

Comme il y aura de moins en moins de places au concours, il y aura de plus en plus de M2 non-titulaires qui auront un bac + 5 certes, mais pour quoi faire ?
Le master ne servira qu’à une chose : gonfler les rangs de la précarité.

Pendant que nous perdons notre énergie et notre créativité à aménager ce qui ne peut l’être, à trouver au master des charmes qu’il n’a pas, le Ministère continue à supprimer les postes ; 25 000 déjà, 80 000 bientôt…

STOP A L’HYPOCRISIE !

Le 28 mai 2009 s’est tenu le CTPM (Comité Technique Paritaire Ministériel) , et les décrets ont été soumis au vote des organisations syndicales. Ces textes étaient massivement rejetés par la communauté universitaire. Dans ces conditions, et face à un tel mépris du ministre (des milliers d’enseignants et d’étudiants mobilisés depuis 15 semaines contre le projet désastreux), il paraissait logique de voter contre ces décrets. C’est ce qu’ont fait la quasi-totalité des organisations syndicales ; toutes, sauf deux : la très minoritaire CSEN, et… la très majoritaire FSU, qui s’est abstenue sur le décret des certifiés/agrégés, et n’a « pas pris part au vote » sur celui des profs d’EPS ! Cette abstention a permis aux deux décrets de passer comme adoptés par le CTPM, puisque les voix « pour » de l’administration ont été majoritaires.

Sud éducation réaffirme son opposition à cette réforme, dans laquelle il n’y a rien à négocier et dont l’issue est la précarisation, la flexibilité des personnels et la dégradation des conditions d’enseignement.

Aux dernières nouvelles des « négociations » (de détails), il semble que le ministère prévoit des masters plus généraux et scientifiques pour que ceux qui les obtiennent et qui échoueront aux concours puissent travailler dans le privé. Le gouvernement prévoit l’échec massif d’ores et déjà et fait une proposition, au moins pour masquer l’absurdité d’un bac plus cinq qui conduit... au Pôle emploi.

Francis Maury