Mais qui donc creuse les inégalités à l’école ?

mercredi 7 décembre 2016
par  Sud éducation 66

Laurence Vidal

En décembre 2013, Vincent Peillon, alors Ministre de l’Éducation nationale, sortait de l’œuf « L’École de la République doit être juste, pour tous les enfants : elle doit faire en sorte que l’origine sociale cesse de peser lourd sur les résultats scolaires. Elle doit être exigeante avec chacun des élèves, pour l’amener au maximum de ses capacités. »… Dans le même temps, il oubliait d’attribuer les moyens qui auraient permis de diminuer les effectifs dans les classes de façon à permettre aux enseignants d’accompagner chaque élève vers ses capacités maximum. Quelle imposture ! Le gouvernement voudrait que l’école résolve les inégalités sociales qu’il s’acharne à creuser, il faudrait que l’école publique soit un exemple de mixité sociale alors que la carte scolaire n’est plus respectée et quand bien même elle le serait, les politiques des villes ne suivent pas… Comment un établissement scolaire peut-il accueillir des élèves d’horizons différents quand il accueille les élèves de quartiers ghettos ? Comment l’école, avec les petits moyens qu’on lui attribue, pourrait-elle, seule, résorber les inégalités sociales qui ne cessent d’augmenter ?

Ces inégalités engendrent la ségrégation spatiale qui engendre à son tour une ségrégation scolaire. « Toutes ces politiques et les budgets afférents resteront très peu efficaces si les écoles et les collèges les plus ségrégués ne font pas l’objet d’une politique volontariste de mixité sociale. Aucune politique, aucune pratique pédagogique ne résiste aux effets délétères de la concentration extrême des difficultés scolaire et sociale dans des établissements ghettos », souligne la présidente du CNESCO (Conseil national d’évaluation du système scolaire), Nathalie Mons.

Il va de soi que les clivages territoriaux accentuent les inégalités scolaires. Dans les Rapports du Conseil Économique, Social et Environnemental, Xavier Nau précise : « Les difficultés principales concernent avant tout des territoires urbains. Elles sont alimentées par la concentration de populations défavorisées dans certaines périphéries des grandes agglomérations. Ce processus va de pair avec des phénomènes de ségrégation scolaire qui déstabilisent les écoles et les collèges de secteurs urbains entiers, parfois même, à l’échelle de tout un département. »
Selon le CNESCO, la France est « championne des inégalités »… Sans aucun doute, N. Mons espérait, en publiant ces résultats, une réaction du gouvernement en faveur des générations futures. Malheureusement, les médias, dans leur manière de traiter l’information, laissent entendre que, si les élèves échouent, c’est à cause de l’École (sous-entendu, Publique). Cette annonce du CNESCO, ainsi tronquée et détournée par les médias, pourrait servir à légitimer la destruction de l’École Publique.

Xavier Nau ajoute : « L’exigence de mixité sociale, notamment dans les zones de forte concentration urbaine, doit être une préoccupation majeure et relève d’un travail commun entre les collectivités territoriales et les instances académiques. »
Il propose des solutions parmi lesquelles :
-  « Réduire de façon très significative les effectifs par classe
- Attribuer des moyens proportionnels à la mixité sociale des publics scolarisés.

- L’expérience montre qu’une carte scolaire trop impérative engendre des conduites de contournement (…). Pour éviter cela, une offre scolaire de qualité doit être assurée pour tous les élèves, sur l’ensemble du territoire : il faut donc se donner les moyens de rendre attractifs tous les établissements. »

Qui s’étonne des résultats de cette enquête du CNESCO ? Toutes les réformes se font à moyens constants… Mais comment faire mieux avec autant ? Les gouvernements qui se succèdent souhaitent-ils réellement réduire les inégalités ?... Restons lucides ! Quand un énarque coûte jusqu’à 83 000 euros à l’État, contre 6 000 euros pour un étudiant lambda de l’université…, les dirigeants ne peuvent avoir qu’intérêt à maintenir une large majorité dans l’ignorance et le besoin. En plus, l’élite supporte mal la concurrence…