LOI FILLON
par
La censure de la loi Fillon par le Conseil Constitutionnel ne doit pas faire oublier sa genèse et les buts à moyens et longs termes poursuivis.
1. La censure
L’article 12 de la loi Fillon énonçait :
"Les orientations et les objectifs de la politique nationale en faveur de l’éducation ainsi que les moyens programmés figurant dans le rapport annexé à la présente loi sont approuvés".
Les 120 députés et sénateurs ayant saisi le Conseil constitutionnel demandaient que soient examinée la constitutionnalité de cet article au motif qu’il pouvait relever du domaine réglementaire, qu’il n’avait pas de caractère normatif et qu’il manquait de clarté : en effet, selon la Constitution de 1958 et la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, une loi doit être normative et claire.
Les neuf Sages expliquent par cette formule non dénuée d’humour : "Les dispositions du rapport annexé sont rédigées en termes généraux. Beaucoup relèvent du souhait, voire du simple constat."
Il manque donc la précision, la clarté et la normativité, toutes qualités requises pour faire loi ; ceci est exposé ainsi : " Sauf (et encore...) à constituer un " principe fondamental " au sens de l’article 34 de la Constitution, dont les modalités d’application sont renvoyées au pouvoir réglementaire, une disposition de portée normative incertaine (c’est-à-dire énonçant une règle en termes équivoques ou confus) se heurte d’abord à un principe constitutionnel (la clarté de la loi) et méconnaît un objectif de valeur constitutionnelle (intelligibilité et accessibilité de la loi) ".
Par ailleurs, "[une disposition de portée normative incertaine]risque en outre de porter atteinte à la séparation des pouvoirs et aux droits fondamentaux " : en effet, si la disposition votée manque de clarté ou de limites certaines, le pouvoir judiciaire devrait prendre le relais afin d’expliciter la loi : il y aurait risque que ce rôle d’interprétation par le juge empiète sur les pouvoirs du législateur, d’où confusion des pouvoirs et atteinte possible aux droits fondamentaux. La loi est là pour prescrire, autoriser et interdire, rien de plus, rien de moins.
D’autre part, le Conseil Constitutionnel ne reconnaît pas à l’article 12, qui approuve le rapport annexé, le statut de disposition pouvant être légitimement portée au vote du Parlement car :"Plus radicalement encore, par sa décision n° 2002-460 DC du 22 août 2002 (loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure), le Conseil a considéré que de simples orientations n’entraient, sauf exception prévue par la Constitution elle-même (lois de programme de caractère économique et social, lois de plan, rapports annexés aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale), dans aucune des catégories de textes législatifs prévus par la Constitution. "
Selon la Constitution de 1958, le Parlement n’est autorisé à voter que lois, motions de censure, règlement intérieur etc et non des dispositions qui n’auraient pas de caractère normatif. Le Conseil constitutionnel reconnaît aussi qu’il revient à plus d’orthodoxie en censurant cet article, contrairement à sa " tolérance " des dernières années.
Le ministre Fillon parle, à raison, de " revirement de la jurisprudence ". Si revirement il y a, c’est pour rappeler les fondements de l’acte législatif afin d’éviter ce que Pierre Mazeaud, président du Conseil constitutionnel, appelait la " loi bavarde " dans son discours de vœux début 2005.
2. De l’hypocrisie pédagogique à la démagogie politique
Comment transformer le collège pour le rendre vraiment démocratique ?
Quel bilan tirer du « collège unique » et quel regard porter sur les projets qui visent à le « réformer » ?
Des rapports de l’OCDE aux recommandations de l’Union européenne,la pensée libérale sur l’école avance, comme le montrent le rapport Thélot et la loi d’orientation du ministre de l’Éducation nationale.
L’objectif est de réduire le rôle de l’État dans un contexte d’économies budgétaires, d’adapter étroitement le système éducatif aux impératifs économiques et d’instaurer une école à deux vitesses sous couvert d’un « socle commun » qui n’est en fait qu’un minimum éducationnel pour les élèves destinés à occuper les emplois les moins qualifiés.
Sous le prétexte des différences de « talents » (c’est un retour de la théorie des dons du 19e siècle !), le gouvernement souhaite revenir sur le principe du collège unique en réintroduisant des modes de sélection précoce des élèves.
Quel projet alternatif peut-on opposer à cette dangereuse « réforme » ?
Réaffirmer l’ambition d’une scolarité commune pour tous les élèves jusqu’à 16 ans tout en proposant des pistes de transformation du collège pour qu’il soit plus égalitaire et émancipateur.
Francis Maury