LA PRECARITE : AVENIR DES SALARIÉS… Education Nationale : toujours plus de précaires

jeudi 7 octobre 2004
par  Sud éducation 66

L’Etat patron est le premier exploiteur de précaires en France et l’Education Nationale en assume une bonne part. Les précaires représentent environ 20% des effectifs de l’Education Nationale, tous corps confondus. L’utilisation de précaires (Maîtres auxiliaires, contractuels, vacataires, Emplois-Jeunes, CES, CEC... et enfin, les petits derniers, les Assistants d’Education) est devenue pour le ministère un mode « normal » de gestion des travailleurs de l’Education. Le gouvernement par ces pratiques entend réaliser des économies car tous ces précaires sont évidemment sous-payés. On assiste à chaque nouvelle création de contrats précaires à un véritable recul social.

Après la lutte des MA des années 80-90, le ministère a mené une charge sans précédent pour précariser encore plus les salariés de l’Education. Le gouvernement utilise les modes de gestion des entreprises privées, c’est-à-dire les contrats à la tâche et le paiement des seules heures de travail effectuées.

Parmi ces précaires, prenons 2 exemples : les contractuels et les vacataires.

les contractuels : ce sont des salariés embauchés souvent pour remplacer des enseignants titulaires absents, ou assurer les postes non pourvus à la rentrée. Ces contrats limités à l’année sont renouvelables. Les contractuels sont régulièrement nommés en ZEP (sans formation !). Ils ont la même charge de travail qu’un titulaire et sont censés avoir les mêmes droits (droit de grève, droit à la formation, aux congés payés...). Dans la réalité, ces précaires sont souvent les premiers à subir les pressions hiérarchiques en cas de grève ou d’arrêt maladie. Quant au droit aux congés payés, cela relève parfois de l’utopie, puisque certains contrats, se terminant avant les vacances scolaires, font que ces contractuels à 10 mois pointent au chômage après le 30 juin. C’est d’ailleurs un véritable parcours du combattant pour obtenir les indemnités chômage.

Les vacataires : ils sont embauchés pour assurer des remplacements de très courte durée, pour 200 heures à réaliser sur une année. Seules les 200 heures d’enseignement effectif sont payées, et non les heures d’orientation et de concertation avec l’équipe pédagogique ! Les heures non réalisées ne sont pas payées, même lorsqu’on est malade. Comme pour les contractuels, ces travailleurs ont le plus souvent des emplois du temps à trous avec parfois un service éclaté sur 2 établissements... Même si certains sont contractualisés, la plupart sont jetés au bout de 200 heures (seuil maximum annuel). De la même manière, les délais de paiement sont très longs, et tout cela n’ouvre évidemment pas de droit au chômage... Il vaut donc mieux disposer d’une fortune personnelle ou être chanceux au loto !

A la rentrée 2003, le gouvernement a clairement annoncé la couleur. Les TZR (titulaires remplaçants) ont été mis sur poste fixe à l’année et les recrutements ont cessé, mettant ainsi au chômage des milliers de contractuels qui attendaient un poste. Les contractuels non réemployés le sont le plus souvent après 2 années d’ancienneté, peut-être pour qu’ils ne passent pas les concours internes (le droit est ouvert après 3 années d’ancienneté) ? Qui va assurer les remplacements de courte durée ? Des contractuels à 3 ou 10 mois et des vacataires bien sûr ! Ainsi, c’est le contrat de chantier qui s’installe dans l’Education et l’institutionnalisation de l’intérim.

A titre de comparaison, dans le 1er degré, ce sont des titulaires qui assurent les remplacements longs (BD,...) et les remplacements courts (ZIL), mais également les déboutés du concours en liste complémentaire.

On peut ajouter à ce constat alarmant, le licenciement de 20.000 Emplois-Jeunes après 5 années de bons et loyaux services (250.000 suppressions en tout en 2004) sans la moindre indemnité de licenciement. Il est assez ahurissant de voir le ministère en charge de l’Education et de la Formation dans ce pays, virer des personnels sans envisager autre chose qu’un avenir de précaires ou de chômeurs. Rappelons que toutes ces mesures ont largement été accompagnées par certaines centrales syndicales qui voyaient « l’émergence de nouveaux métiers » (sic)... Les postes de MI-SE et d’emplois-jeunes supprimés sont remplacés par encore plus précaires : les Assistants d’Education. Ils sont recrutés localement par des chefs d’établissement et validés par des CA dans le secondaire, des IEN et des instits-DRH dans le premier degré.

Les statuts de ces derniers sont une nouvelle fois une régression sociale puisque la nature même de leur contrat les rend taillables et corvéables a merci ... Bienvenue dans un monde de progrès social.

Ce descriptif non exhaustif doit tous nous interpeller car le chemin de la flexibilité et de la précarité conduit tout droit à la privatisation. Déjà le contrat Emploi-Jeune, de droit privé, a commencé à réaliser le rêve patronal d’éclatement des statuts de la Fonction publique. Il a également bouleversé fondamentalement le Droit du travail dans le pays. Désormais, les patrons ont fait disparaître, jurisprudences prud’homales à l’appui, certains droits collectifs : la durée légale des CDD est passée de 18 mois à 5 ans (les recours pour requalifier des CDD en CDI sont devenus matière à rire pour les patrons), l’indemnité de licenciement, l’indemnité de fin de contrat pour les intérimaires, les cotisations à des caisses de chômage sont complètement remis en question, l’Etat ayant donné l’exemple.

Les prochaines étapes dans l’Education Nationale

Pour le gouvernement et le patronat, la prochaine étape, c’est la décentralisation et le transfert des TOS aux Collectivités Territoriales en 2005. Ce transfert, nous promet-on au ministère, ne devrait pas remettre en cause les statuts des personnels puisqu’ils restent au sein de l’une des 3 Fonctions Publiques. De qui se moque-t-on ? C’est déjà nier le fait qu’un grand nombre de TOS sont des précaires (CES, CEC...) et que pour eux, décentralisation est synonyme d’ANPE. Personne n’ignore non plus que le statut de la Fonction Publique Territoriale, pour les agents, est bien en deçà de celui de la Fonction Publique d’Etat (congés, retraites, salaires, etc.) En outre, qui peut croire que les Collectivités territoriales vont pouvoir ou vouloir assumer la charge salariale de ces nouveaux personnels ? Elles seraient alors obligées d’augmenter les impôts locaux, ce qui n’est pas très populaire en période électorale. Il y a fort à parier que cela va précipiter l’externalisation (sous-traitance) aux entreprises privées de ces nouvelles missions, comme nous l’observons déjà dans le département.

C’est l’ouverture d’un extraordinaire marché pour les entreprises de nettoyage, de maintenance et de restauration. Or celles-ci sont connues pour leur gestion lamentable de la main d’oeuvre (extrême précarité, non respect des droits des travailleurs, etc.). Nous le savons d’autant mieux que nous syndiquons ces salariés !

C’est donc une attaque sans précédent contre 90 000 travailleurs de l’Education que nous devons combattre tous ensemble avec force. Les prochaines étapes vont sans aucun doute frapper aussi le monde enseignant, car le « grand débat » évoque de manière à peine déguisée les projets sur la bivalence, la flexibilité et l’annualisation du temps de travail. La loi d’orientation sur l’école, prévue fin 2004, risque d’accentuer encore la précarité des emplois.

C’est donc bien une attaque coordonnée pour précariser et réduire l’emploi à travers la baisse du nombre de postes aux concours de la Fonction Publique. La prochaine marche sera celle de la privatisation de l’école qui n’est plus un fantasme au regard des textes de l’AGCS.

Une attaque généralisée du capitalisme : plans sociaux, réforme de l’UNEDIC, RMA

Au delà de l’Education Nationale, c’est l’ensemble des travailleurs de ce pays qui subissent les assauts du capitalisme. Fin 2002, afin de faire de prétendues économies, les partenaires dits « sociaux » ont décidé de réduire la durée d’indemnisation pour 850.000 chômeurs qui ont pourtant cotisé. L’UNEDIC a ainsi réduit pour la majorité des chômeurs leur indemnisation de plusieurs mois. Ainsi au 1er janvier 2004, 180.000 chômeurs ont perdu leurs droits aux Assedics. Au cours des 2 prochaines années, c’est plus de 600 000 chômeurs qui suivront et basculeront vers l’ASS et le RMA.

Le gouvernement a également modifié les conditions d’accès à l’ASS faisant ainsi basculer plus de 180 000 chômeurs en 2004 vers le RMI/RMA de M. Fillon (revenu minimum d’activité ou retour au Moyen-Âge). Les rmastes devront accepter l’emploi qui leur sera proposé. Le RMA sera reversé à l’employeur qui complétera le salaire et s’offrira au passage un salarié pour moins de 4 euros de l’heure ! Adieu SMIC et droits collectifs des travailleurs. Le rmaste ne cotisera que sur la base de salaires versés par l’employeur. Sur cette base il lui faudrait donc travailler 160 ans pour obtenir une retraite à taux plein.

Ce nouveau type de précarité criminalise le chômeur, met le rmaste en position de totale soumission vis-à-vis de son employeur-tuteur, ne parlons donc ni de droit de grève, ni de syndicalisme.

Pour enfoncer le clou, on ajoutera que ces derniers mois, ce sont des milliers de travailleurs qui ont été licenciés par des entreprises qui pour la plupart réalisent des profits. Pour le patronat et l’Etat, le chômage et la précarité permettent de museler les salariés et de faire pression sur les salaires. Le capitalisme attaque sur tous les fronts pour faire exploser les statuts, diviser le monde du travail (public-privé) et ainsi précariser tous les emplois. Les réformes sur les retraites, l’UNEDIC, le RMA, l’assurance maladie ou encore la formation professionnelle ne font que renforcer la précarisation des classes populaires et précipite celle des classes moyennes.

Dès à présent, organisons la résistance.

Nous appelons tous les précaires au chômage à nous contacter pour exiger avec eux leur réemploi : aucun licenciement, aucun précaire au chômage.

SUD-Education exige la titularisation de tous sans condition de concours, d’âge ni de nationalité.

SUD-Education exige l’arrêt immédiat des recrutements de précaires et la création de postes budgétaires à la hauteur des besoins des missions du service public.

SUD-Education appelle tous les personnels à s’organiser dès maintenant pour refuser le transfert des TOS aux Collectivités Territoriales.

SUD-Education dénonce toutes les formes de privatisation du service public.

Au delà, si nous voulons que nos luttes soient des victoires, il nous faut nous organiser de manière interprofessionnelle. Construisons et renforçons les collectifs interpro (salariés du public et du privé, chômeurs, retraités, jeunes,...) des bassins d’emplois afin d’organiser la résistance face aux attaques gouvernementales et patronales.

Fédération SUD Education
Commission nationale « Précarité »