La crise sanitaire au lycée, entre absurdités et espoirs
par
Marc Anglaret
La réforme du lycée et du bac, c’est la catastrophe. Avec la crise sanitaire… c’est encore pire !
La crise sanitaire que nous traversons a malheureusement confirmé le caractère à la fois absurde et néfaste des réformes Blanquer du lycée et du baccalauréat. C’est l’occasion de rappeler deux de leurs aspects les plus négatifs :
En première et en terminale, il n’y a plus vraiment de classes ; ou plutôt, les élèves d’une même classe passent presque toujours moins de temps tous ensemble que séparément, puisqu’ils ne font presque jamais les mêmes spécialités, qui les occupent 12 heures par semaine, et qu’ils ne sont pas non plus ensemble en langues et en EPS. Cet éclatement du groupe classe a eu pour effet de casser la dynamique et la solidarité entre les élèves (et de rendre aussi plus difficiles les relations amicales ou amoureuses). Avec la crise de la Covid, un nouveau problème apparaît : les protocoles reposant sur un certain nombre de cas contacts à l’intérieur d’une « classe » sont purement et simplement absurdes ou inapplicables, puisqu’il n’y a plus de classes.
La multiplication des épreuves comptant pour le bac (nommées « E3C » l’an dernier, rebaptisées « évaluations communes », ainsi que les épreuves finales en mars et juin) au cours des années de première et de terminale donne aux élèves le sentiment qu’ils sont en évaluation permanente, avec le stress que cela génère. La prise en compte de toutes les notes de première et de terminale (qui représentent 10 % de la note finale) est une aberration pédagogique, puisqu’elle transforme de fait l’évaluation formative (dont le but est de « diagnostiquer » les difficultés des élèves pour y remédier ensuite) en évaluation sommative (dont la fonction de vérifier ou l’acquisition de savoirs ou de savoir-faire, et éventuellement de valider ou non l’obtention d’un examen). Jusqu’alors, une mauvaise note en début d’année n’avait pas de réelle conséquence, si ce n’est d’alerter l’élève sur ses difficultés. Désormais, cette mauvaise note compte pour le bac, ce qui pénalise particulièrement les élèves en difficulté en masquant leurs progrès. Ces graves inconvénients de la réforme du bac ont été eux aussi accentués par la crise sanitaire, puisque les mesures qui ont été prises (les élèves ne viennent plus que 50 % du temps au lycée) compliquent encore la mise en place de ces évaluations, déjà chronophages en elles-mêmes.
Par ailleurs, l’obstination de Jean-Michel Blanquer à maintenir pour l’année scolaire 2020-2021, de l’école primaire à la terminale, les exigences des programmes scolaires habituels, malgré les difficultés rencontrées pendant le confinement du printemps dernier, notamment par les élèves les plus en difficulté (qui sont, comme on le sait, surreprésentés dans les familles des classes populaires), a pour conséquences que certains profs avancent à marche forcée, comme si l’année dernière avait été normale, pour espérer « boucler le programme », tandis que d’autres font cette année ce qui n’a pas pu être fait au printemps. En lycée, cette situation est aggravée par la présence des élèves seulement 50 % du temps dans l’établissement. Le ministère n’a pour l’instant annoncé des aménagements au bac que pour les épreuves de spécialités (davantage de sujets, pour que les élèves puissent choisir en fonction des parties du programme qu’ils auront étudiées), mais pas pour les autres matières. Si ces aménagements devraient logiquement être annoncés dans les semaines ou les mois qui viennent (à moins que Jean-Michel Blanquer ne soit complètement fou), en attendant, on fait comme si de rien n’était, et les profs sont censés tenir les programmes avec des élèves forcément en retard à cause du confinement du printemps, et en les voyant 50 % du temps. Pourquoi attendre ces inévitables annonces d’aménagement des épreuves ?
Pourtant, cette crise sanitaire peut, paradoxalement, avoir un effet positif : mettre en pleine lumière les aberrations des réformes Blanquer. Peut-être aussi aidera-t-elle les profs à prendre conscience des avantages du travail en classe à effectifs réduits, notamment pour les élèves en difficulté. Nous devrons nous en souvenir lorsque la situation redeviendra « normale ».