L’éducation selon Macron

jeudi 9 mars 2017
par  Sud éducation 66

Patrice Bégnana

Pendant que se met en place la pseudo-revalorisation qui a amené le ministère à avertir que certains salaires allaient d’abord baisser avant d’augmenter, la campagne présidentielle conduit à annoncer des mesures pour l’Éducation nationale qui doivent nous intéresser, nous alerter, nous inquiéter.

Les dernières en date sont celles d’Emmanuel Macron, candidat promis à la victoire finale. Analyser son programme, c’est donc se préparer pour les prochaines luttes.
En effet, l’ancien conseiller de François Hollande et ancien ministre de l’économie prend quelques distances apparentes avec le gouvernement qu’il a quitté. C’est ainsi qu’il paraît revenir sur la funeste réforme des rythmes scolaires. En réalité, il en accentue le caractère principal : faire de l’école primaire le lieu de l’éclatement éducatif. Chaque commune pouvait organiser comme elle l’entendait les activités péri-éducatives. Désormais, chaque commune pourra continuer à le faire. Éventuellement, elle pourra ne pas en proposer. Qui peut douter que les municipalités en diffi­cultés financières ou pour qui l’école publique est le cadet des soucis électoraux ne se débarrasse­ront ainsi d’une charge financière ? L’inégalité territoriale sera accentuée. Elle usurpera le beau nom d’autonomie. Par contre, les heures de classes perdues lors des différentes réformes qui sont l’équivalent d’une année scolaire de la maternelle à la fin du CM2 restent définitivement perdues pour les élèves.

De même, la funeste contre-réforme du collège est maintenue. Les classes bilangues, le latin et le grec pourront être réintroduits : pour qui ? Déjà le ministère actuel avait maintenu l’intégralité des classes bilangues pour Paris au détriment de la Province. Nul doute que les arbitrages se fe­ront en faveur des enfants des classes dirigeantes. Pour les autres… Par contre, le projet de l’auto­nomie des établissements est affirmé, notamment avec l’antienne du recrutement des professeurs par le chef d’établissement. Comme si les chefs d’établissement étaient des êtres omniscients, ab­solument bons, dont les jugements étaient censés. Un chef d’établissement sexiste, raciste et ho­mophobe étant impossible, nul doute que tous les recrutements seront impartiaux. Cette autono­mie sera aussi pédagogique. Chaque collège choisira-t-il ses horaires, son programme ? Quelle foire d’empoigne !

Pour les collèges situés dans les actuelles REP+, le candidat Macron prévoit pour les profes­seurs une prime annuelle de 3000 €. Or, actuellement, la prime annuelle est de 2312 € brut. Dans la mesure où le futur périmètre des REP+ peut être diminué, voilà l’annonce d’une dépense qui ne mange pas de pain.

Pour le baccalauréat, le candidat Macron prévoit que seules quatre disciplines donneraient lieu à un examen final, toutes les autres donneront lieu à un contrôle continu. C’est continuer le transfert du coût du baccalauréat vers les professeurs comme cela a déjà commencé pour les oraux de langues. Mais surtout, cette mesure n’est pas séparée de la volonté de permettre aux universités de choisir leurs étudiants. Dans le même temps, elles pourront également choisir leur professeur sans passer par la qualification actuellement requise devant le Conseil National des Universités (CNU). Bref, c’est une sorte d’enterrement du baccalauréat comme premier diplôme universitaire au profit d’une sélection par les universités qui devraient les conduire à une concur­rence accrue. Universités qui elles-mêmes pourront se livrer à une féroce concurrence pour attirer les meilleurs professeurs et les meilleurs étudiants. Là encore, la volonté de renforcer les inégalités se masque sous le mot d’ordre d’autonomie.

Pour lutter contre l’échec scolaire, le candidat pense qu’il faut tout miser sur le début. Son pro­jet est de recruter 4000 à 5000 maître·sse·s sur le quinquennat pour réduire à une douzaine le nombre d’élèves de CP et de CE1 dans les REP+, comme si des élèves en difficulté ne se trou­vaient pas sur tout le territoire et dans toutes les classes. Certes un bon départ ne peut nuire. Mais, il est clair que si par la suite, les conditions d’éducation sont mauvaises, il n’y aura pas de deuxième chance. Sans compter que cette thématique de l’égalité des chances présuppose de re­fuser d’aller vers une égalité réelle. Elle est l’acceptation des inégalités de classes.

On peut ainsi remarquer qu’en termes de recrutement, compte tenu de l’augmentation du nombre d’élèves, on peut considérer qu’il n’y en aura quasiment pas. Ce programme entérine donc la baisse du nombre de professeurs qui résulte de la politique menée entre 2000 et 2011 (moins 154 700 postes de professeurs) et de la supposée augmentation de 60 000 postes depuis 2012.
Bref, le favori actuel de la présidentielle propose un programme de maintien voire d’accroisse­ment des inégalités sociales dans l’éducation, pièce maîtresse du conservatisme social et de l’an­tagonisme social. S’il devait être mis en œuvre, il ne pourra que nous inviter à la lutte lors du troisième tour social.