Gilets jaunes : du mouvement populaire à la grève générale

lundi 17 décembre 2018
par  Sud éducation 66

Christopher Pereira

Voilà trois semaines maintenant que le mouvement des Gilets Jaunes agite nos ronds-points, nos rues et notre actualité. Trois semaines également qu’il agite nos débats au sein même de SUD éducation 66-11. Or, nous pouvons convenir que, sans savoir où mènera ce soulèvement populaire, la vitalité de nos échanges est déjà, en soi, quelque chose de positif. Cela faisait bien longtemps que nos boîtes mail n’avaient pas autant vibré entre adhérent·e·s, proposant aux uns et aux autres leurs témoignages, leurs réflexions, leurs propositions. Cette vitalité provient aussi de nos désaccords, de nos hésitations, de nos doutes.
En effet, les Gilets Jaunes, de façon paradoxale, nous divisent tout en nous unissant. Dans un premier temps, il s’agit d’un mouvement inattendu dans un contexte, pourtant, d’insatisfaction généralisée. C’est un mouvement difficile à définir et à identifier. Est-il infiltré par l’extrême-droite, l’extrême-gauche ? Quels en sont les représentants ? Quelles sont les revendications claires pour lesquelles il faut lutter ? Compliqué de répondre à cette question, car nous ne sommes pas en train d’assister à un mouvement social « traditionnel » mais plutôt à un soulèvement [1]. Ce flou organisationnel déstabilise les méthodes syndicales que nous connaissons bien tout en les réinterrogeant au regard de moyens d’actions populaires bien plus efficaces. Et c’est peut-être là une première réflexion que l’on doit tenir pour l’avenir de nos luttes.
Dans un second temps, ce mouvement attire également. En effet, il y a quelque chose de l’ordre de la fascination dans cette capacité de mobilisation, dans ces mouvements d’action parfois violente, dans la mise en branle, finalement, du peuple qui se réunit, qui échange, qui débat, qui décide et qui agit. L’idée de démocratie directe est même avancée ! Certes, il peut y avoir certains écueils, des erreurs… Mais au moins y a-t-il des tentatives et de l’expérimentation. Cette dernière est indispensable dans un mouvement de contestation de l’ordre établi et, déjà elle enrichit le mouvement. Les revendications, que l’on pouvait critiquer au début comme une volonté d’un meilleur accès à une société de consommation sans la critiquer, ont évolué pour rejoindre, justement, une critique plus globale de la société en réclamant finalement ce qui nourrit toutes les contestations : plus de justice sociale pour un avenir un tant soit peu acceptable. Et c’est justement dans cette perspective d’avenir que la revendication environnementale est tout à fait présente dans le mouvement des Gilets Jaunes.
Enfin, dans un troisième temps vient la question de l’action syndicale en lien avec les Gilets Jaunes. Si ces derniers paraissent, de prime abord, anti-syndicats, cette méfiance se fait à l’égard, semble-t-il, des organisations majoritaires qui, par leur politique réformiste constante, donnent une sensation de trahison au peuple. Toujours est-il que nombre de camarades sont également présent·e·s sur les ronds-points et que, parmi les Gilets Jaunes, certains souhaitent justement une convergence des luttes. N’oublions pas qu’historique-ment SUD éducation s’est construit notamment par défiance à l’égard des grandes organisations syndicales. C’est un point commun ! Alors, rejoindre ou non ? Les débats au sein de notre liste d’adhérent·e·s furent féconds et montrent le caractère profondément démocratique de notre syndicat. Si un consensus n’a pas pu être trouvé en assemblée générale, c’est néanmoins avec une large majorité de voix que SUD éducation 66-11 soutient l’appel de Solidaires à rejoindre le mouvement des Gilets Jaunes. De plus, nous avons, à l’unanimité, appelé à construire les moyens d’une grève générale. En effet, doit-on le rappeler, SUD éducation est un syndicat de lutte pour la transformation sociale et si nous voulons « une autre école », c’est parce que nous voulons « une autre société ».
C’est donc dans cette perspective de lutte, finalement, que nous souhaitons nous inscrire, car il n’y a pas d’autres mots : les Gilets Jaunes sont en lutte pour plus de justice sociale. Certaines positions sont encore à éclairer, notamment sur l’immigration. À nous, alors, d’apporter notre point de vue. L’indifférence de notre profession, en salle des profs, est consternante. Les résultats aux dernières élections professionnelles, avec seulement 40 % de participation et la hausse constante du SNALC, montrent bien la droitisation de nos collègues. Face à cela, la terrifiante répression des lycéens de Mantes-la-jolie (lire l’article page 8), tout comme les terribles violences policières lors des manifestations, doivent nous faire réagir. Dans cette optique, SUD éducation a désormais déposé un préavis de grève du 10 au 31 décembre permettant de protéger les camarades et collègues désireux de rejoindre le mouvement. De même, la fédération SUD éducation appelle l’ensemble des personnels à se mettre massivement en grève le vendredi 14 décembre contre les réformes Blanquer et pour la justice sociale. Il est temps d’agir afin de construire une grève massive, unitaire et prolongée pour faire plier le gouvernement.


[1Lordon Frédéric, « Fin de monde ? », dans son blog du Monde Diplomatique, le 5 décembre 2018. https://blog.mondediplo.net/fin-de-monde (consulté le 9 décembre 2018).