EN ROUTE POUR LA GRÈVE

dimanche 18 septembre 2011
par  Sud éducation 66

Par Patrice Bégnana

82% des personnes interrogés dans un sondage du CSA s’opposaient au non remplacement d’un professeur sur deux partants à la retraite. Le SNPDEN, syndicat des chefs d’établissement, a mené une enquête d’où il ressort – quelle surprise ! – que la suppression des postes nuit à la qualité de l’enseignement. Les élèves les plus faibles des quartiers défavorisés en souffrent le plus. Diverses associations ont calculé que la rentrée 2011 sera beaucoup plus chère pour les familles. Bref, que des bonnes nouvelles pour le gouvernement.

En effet, les diverses mesures prises depuis 2002 qui se sont accentuées à partir de 2007 ne visent pas à renforcer l’école publique. Elles s’inscrivent dans un projet global qui consiste à confier au secteur privé tous les services publics. La privatisation effective pourra attendre. Il suffit que la gestion soit privée.

Le nouveau dispositif dit ECLAIR le prouve. Faire recruter par des chefs d’établissements les professeurs et autres préfets des études, c’est privatiser le fonctionnement de l’école. Supprimer la carte scolaire pour créer un marché de l’école, c’est privatiser le comportement. Supprimer des possibilités de remplacement pendant l’année scolaire et créer des stages de remédiation rémunérés pour les professeurs qui s’y livrent, c’est faire peser sur chaque élève le poids de sa réussite ou de son échec, c’est privatiser le parcours individuel. Les deux heures de soutien pour les élèves de l’enseignement primaire comme la liberté laissée aux équipes pédagogiques de distribuer en fonction des besoins les heures de dédoublement ou l’accompagnement prétendument personnalisé de l’enseignement secondaire permettent de privatiser l’enseignement lui-même. Chaque équipe, chaque enseignant sera comptable de la réussite ou de l’échec des élèves dont il aura la charge. Le prétendu « débat » sur le raccourcissement des grandes vacances et leur zonage participe de la volonté de faire disparaître tout ce qui est commun. Quant à la masterisation, elle prépare la disparition des concours qu’un député a annoncée un peu prématurément. Cette annonce en dit long sur la transformation radicale qui est dans les cartons des néolibéraux. Un concours, aussi imparfait soit-il, c’est une épreuve publique (les oraux prévoient des sièges pour que le public puisse y assister). Un fonctionnaire a à rendre un service au public et non à ses supérieurs ou à ceux qui le paient le plus. Un professeur titulaire d’un diplôme professionnel qui s’entretient dans le secret d’un bureau pour être embauché aura à rendre un service à… son chef.

Qu’une politique aussi impopulaire ne faiblisse pas, qu’elle ne connaisse que des pauses dans les réformes mais aucune dans les suppressions des postes (et depuis 2002 c’est près de 10% des effectifs qui ont disparu) montre le déni de démocratie caractéristique de la pensée néolibérale. Pour elle, le bon peuple ne sait pas ce qui est bon pour lui. Toute proposition qui se réfère au peuple est du « populisme ». Toute défense du service public est de l’archaïsme. Toute volonté de ne pas voir se dégrader un peu plus la situation est du conservatisme. Le néolibéralisme a depuis longtemps investi la sphère médiatique et distille inlassablement ses mots d’ordre selon les techniques éprouvées de la publicité. L’identité du discours commun aux intellectuels médiatiques, aux journalistes reconnus et aux politiques antipopulistes, sa répétition inlassable, les oppositions superficielles conditionnent une représentation de la réalité qui fait passer pour des évidences les thèses éculées du néolibéralisme.

Mais l’histoire est loin d’être finie. Les Grecs, les Italiens et plus près de nous les Espagnols, puis les Israéliens ont montré ces derniers mois que les peuples ne se résignent pas à servir de variables d’ajustement dans le calcul de la rentabilité qu’effectuent les agences de notations et les actionnaires.

Aussi en cette rentrée, nous ne pouvons qu’en appeler à la lutte de tous les salarié(e)s en activité ou non, du public et du privé, pour imposer d’autres choix que l’accroissement indéfini du capital.