BASE-ÉLÈVES IS WATCHING YOU...

vendredi 10 février 2006
par  Sud éducation 66

Vous ne le savez peut-être pas, mais l’année scolaire 2004/2005 a été, pour notre département, une année de mise en place d’un nouveau système de saisie et de gestion informatique par internet de données concernant tous les élèves des écoles maternelles et élémentaires : base-élèves.

En cours d’expérimentation dans plusieurs départements (Une vingtaine de départements « pilotes »...), il sera généralisé à toute l’Education Nationale dès la rentrée scolaire 2006.
Cette base prévoit que toutes les données (familiales, sociales, scolaires, origines géographiques, etc.) concernant les élèves soient transférées par les directeurs d’école à l’IEN, à l’IA puis au Rectorat pour terminer au fichier national via Internet.
Dans les départements, où cette base est en cours d’expérimentation, l’administration a déjà été interpellée. En février 2005 Sud Education 66 a participé à une réunion dite de « Concertation Base-élèves » organisée par l’Inspection Académique des P.O. l’I.A. s’est en effet portée volontaire pour expérimenter ce nouveau logiciel. Une formation a été imposée (ordres de mission) à de nombreux directeurs d’écoles du département les 16 et 23 mars.

Interpellée à plusieurs reprises dans les départements concernés, l’administration met en avant l’« aide » que ce système peut apporter aux directeurs d’écoles.
Pourtant les directeurs utilisent déjà un logiciel de gestion. Ne peut-on pas alors se demander si la mise en place de cette base n’est pas plus exactement un outil réalisé par l’Administration pour l’Administration afin de gérer au plus près les effectifs (carte scolaire), pour mettre en œuvre la Loi Organique relative aux Lois de Finances LOLF et répondre aux objectifs affichés par cette loi du passage « d’une culture de moyens à une culture de résultats ».
On peut aussi se demander : à qui la centralisation nationale de toutes ces données peut-elle servir ? De quelles estimations les administrations peuvent-elles avoir besoin ? Statistiques sur les évaluations ? Les enfants en difficultés ? Des données sur l’immigration ?
L’utilisation de cette base pourrait s’avérer dangereuse et porter gravement atteinte aux libertés individuelles de chacun(e). Elle représente en effet, ni plus ni moins, l’introduction d’une logique de fichage de type comptable et non au service des besoins éducatifs des jeunes. Cela ne laisse plus à l’enseignant la possibilité d’apprécier humainement une situation individuelle. Certaines informations demandées représentent un risque. En effet divulguer et utiliser des informations strictement privées (comme, par exemple la situation familiale, les origines géographiques de l’enfant, la langue et la culture d’origine, …) pourrait s’avérer dangereux dans une période où le gouvernement s’emploie à surveiller « pour mieux punir » des populations souvent marginalisées par la précarité. N’est-ce pas un risque de dérive vers d’autres utilisations « extra-scolaires » ? Enfin nous nous inquiétons fortement de la centralisation des données à Orléans, motivée par le besoin de statistiques plus efficaces. En principe les noms des enfants restent anonymes mais si l’administration a besoin des noms l’anonymat peut être levé…
Cela laisse « rêveur » mais n’est finalement pas si surprenant !
Toutes ces mesures sont à rapprocher du « rapport Benisti », commandé par le gouvernement concernant le risque des « comportements déviants » des enfants dès leur plus jeune âge qui amalgame « délinquance » et « familles issues de l’immigration », qui propose une « culture du secret partagé » et qui a fortement inspiré la loi sur la délinquance de Sarkosy et les lois Perben II qui considèrent comme potentiellement délinquante toute « personne présentant des difficultés sociales, éducatives ou matérielles » donc à signaler à la police via la municipalité.
Sur plusieurs département « expérimentaux » des directeurs d’école ont refusé de participer à cette formation. Lors de certains conseils d’école une présentation du projet est faite aux parents d’élèves et aux différents partenaires concernés. Enfin, lors du dernier Conseil Fédéral de SUD Education, il a été décidé de diffuser le plus largement possible le texte de la pétition et de tenter à nouveau d’interpeller les autres syndicats de l’Education Nationale sur les risques d’un tel projet.

L’ultra-sécurité n’est pas une fatalité. A nous de relayer l’information sur les risques que présente un tel projet et de diffuser le plus largement possible les pétitions et les moyens d’action.

Ariane Augé