16 000

mercredi 16 mars 2011
par  Sud éducation 66

Par Patrice Bégnana

Si le ministre de l’éducation s’agite en vaine communication pour soulever un mince rideau de fumée sur le vide abyssale de sa pensée relative aux questions d’éducation, la suppression des postes de fonctionnaires continue dans l’Éducation nationale. Dans le primaire, les postes supprimés impliquent une augmentation des effectifs, une baisse des possibilités de remplacement et la disparition de postes dans l’enseignement spécialisé (RASED). Dans le secondaire, ce sont en plus la disparition d’options, les regroupements de classe (une réalité en voie de disparition) et la suppression progressive de toutes les innovations qui avaient pour but d’aider les élèves en difficultés. 16 000 comme l’an dernier, 16 000 comme l’an prochain. Et ceci au nom du dogme selon lequel il y a trop de fonctionnaires, notamment dans l’Éducation nationale. Un ancien ministre avait usé de la fine métaphore du mammouth qui depuis a fait florès. Certes, chacun voit bien les effets ponctuels de ces suppressions, mais l’idée globale d’une immense administration sclérosée continue à bloquer toute perspective autre que l’objectif de diminution, voire de maîtrise du nombre de professeurs, sans compter tous les administratifs qui ont vu leur charge de travail augmenter régulièrement. Cette idée est-elle juste ? Nullement.

En effet, une étude montre que de tous les pays de l’OCDE, la France est le pays qui a le moins de professeurs par élèves.

Cette étude prend comme année de référence 2007. Elle établit que « la France présente le taux d’encadrement le plus faible, tous niveaux et tous établissements confondus (publics et privés) avec seulement 6,1 enseignants pour 100 élèves-étudiants contrairement à des pays comme la Suède, la Grèce ou le Portugal où le taux d’encadrement dépasse 9 enseignants ».

Sachant par ailleurs que la Grèce et le Portugal avaient un PIB par habitant inférieur à celui de la France, on mesure la marge de manœuvre pour rattraper le retard où nous étions.

Si on regarde dans le détail, la France se situe dans les plus bas niveaux de l’OCDE pour les écoles primaires (cinq enseignants pour 100 élèves) et dans l’enseignement supérieur (cinq pour 100 étudiants), alors que pour les collèges et lycées la France connaît un « taux médian » (7,5 enseignants pour 100 élèves). Est-il étonnant qu’il y ait des difficultés pour permettre aux élèves en difficulté d’acquérir les connaissances nécessaires ?

Cette étude est une note de synthèse intitulée Tendances de l’emploi public de février 2011 du Centre d’analyse stratégique (CAS) rendue publique le lundi 14 février. Le CAS est une institution rattachée au Premier ministre et dont la fonction est d’éclairer le gouvernement dans « la définition et la mise en œuvre de ses orientations stratégique ».

Or, depuis 2007, ce sont 50 000 postes qui ont été supprimés. Et le gouvernement songe en supprimer encore plus. Nul doute que les conseillers en communication trouveront de nouveaux arguments pour expliquer que la France a besoin de moins d’enseignants que la Suède, la Grèce ou le Portugal. Ce qui est par contre sûr, c’est que les comparaisons internationales qui servent d’habitude à détruire l’emploi public montrent pour une fois que la faiblesse des moyens de l’Éducation nationale est réelle.

Les discours creux selon lesquels l’essentiel n’est pas dans l’augmentation des moyens mais dans de prétendues réformes qualitatives ne sont qu’un paravent. Les soi-disant réformes – masterisation pour le recrutement, pseudo accompagnement personnalisé, calcul mental, etc. – n’ont d’autres objectifs que de favoriser cette diminution du nombre de fonctionnaires.

Dans la mesure où cette étude émane des cercles du pouvoir, il est clair que la destruction de l’emploi public et l’affaiblissement de l’Éducation nationale sont voulues.

Quel est le but ultime de cette politique destructrice ? La question reste ouverte.