Titan, Peillon ou la démagogie néolibérale !

vendredi 15 mars 2013
par  Sud éducation 66

Après le passage de la semaine de quatre jours à quatre jours et demi à l’école primaire le ministre de l’éducation a trouvé un nouveau cheval de bataille, raccourcir les vacances d’été. Comme l’ont titré de nombreux journaux, il a ainsi déclaré que « six semaines, c’est suffisant ».

Bien sûr, c’est bien parce que d’autres le font. Les élèves allemands ont moins de vacances, donc… En Allemagne la sélection s’effectue… après quatre ans d’école primaire. Les élèves les moins bons vont dans l’enseignement professionnel, les meilleurs au Gymnasium (lycée). En Allemagne, les femmes ont le choix : soit elles travaillent et n’ont pas d’enfants, soit elles ont des enfants et ne travaillent pas. Bref, la situation en Allemagne n’est peut-être pas la meilleure. Dans d’autres pays, les grandes vacances durent 10 semaines avec des vacances intermédiaires plus courtes et des journées bien moins longues pour tous. Pourquoi ne pas imiter ces pays-là ?

C’est qu’en Allemagne, grâce aux « courageuses réformes » du premier ministre du SPD, Gerhard Schröder, il y a des emplois à un euro de l’heure, des salariés qui travaillent pour moins de 500 euros par mois pour lesquels ils ne toucheront aucune retraite. L’Allemagne, l’autre pays des « courageuses » réformes.

Le vocabulaire utilisé par les différents ministres depuis un certain Claude Allègre est toujours le même : intérêt des enfants, briser les tabous, etc. Comprenons, faire jouer l’opinion publique contre les personnels corporatistes. Flatter la haine de l’autre, du privilégié comme les éditorialistes grassement payés le répètent dans la presse écrite ou audiovisuelle. C’est cela la démagogie. Qu’est-ce en effet qu’un professeur pour nos ministres sinon un fainéant qui ne veut pas travailler dans l’intérêt des enfants ? C’est pour cela qu’il s’oppose aux réformes « courageuses » du « courageux » ministre qui pourfend les « tabous ». Qu’est-ce que devrait être un professeur ? Un salarié obéissant, travaillant toujours plus pour gagner toujours moins, ne prenant pas de vacances, ne s’occupant pas de ses enfants, bref, un salarié comme un autre.

La question de l’école ne peut pas être détachée de la question sociale. L’offensive est la même. Que ce soit dans le privé ou dans le public, le discours mais surtout les actes sont les mêmes. Il y a d’un côté des salariés ingrats qui voudraient gagner dignement leur vie sans mourir au travail. Ce sont les paresseux, les syndicalistes corporatistes qui ne comprennent pas le courage de ceux qui préconisent des sacrifices, des efforts… pour les autres. Il y a les bons salariés, ceux qui acceptent des sacrifices, ceux qui travaillent plus pour gagner moins, qui réduisent leurs congés.

C’est ainsi que le PDG de Titan, Maurice Taylor, a fustigé les ouvriers français de l’usine de Goodyear qui ne travaillent pas assez (seulement trois heures par jour pour lui) et les affreux syndicalistes qui les soutiennent. C’est ainsi que Vincent Peillon distille insidieusement que les professeurs ne veulent pas de réformes faites dans l’intérêt des enfants parce que lui, le ministre courageux, qui a le temps d’écrire des livres, le sait mieux que quiconque. Il doit donc avancer prudemment, pas à pas dans son ambitieux projet de « refondation » de l’école.

Son non moins « courageux » membre de cabinet, le très travailleur Bruno Julliard, dont l’immense expérience éducative à la tête de l’UNEF et comme membre du PS, a été si importante pour la passionnante réforme des rythmes scolaires, n’a-t-il pas, de son côté, dénoncé le corporatisme des syndicats ?
Le ministre de l’éducation ne s’occupe que de la durée ou des rythmes scolaires. Que la question des programmes soit renvoyée aux calendes grecques pendant que toutes les réformes des dix dernières années s’appliquent pleinement en dit long sur la continuité des néolibéraux qui nous gouvernent.
Moins agressif que certains de ses prédécesseurs, le ministre ose soutenir qu’il aimerait bien que les salaires des personnels soient meilleurs, mais il ne peut pas, il n’a pas les sous. Pendant ce temps s’abat sur les personnels un nouveau gel des rémunérations, c’est-à-dire, compte tenu de l’inflation, une baisse des salaires réels.

Des parents qui travaillent jusqu’à la mort – la réforme des retraites se profile –, des enfants occupés par des professeurs puis par des professionnels mal payés pour libérer les parents pour qu’ils puissent permettre aux entreprises de préférer la France à la Chine et bientôt au Cambodge, impliquent de briser toute volonté de lutter. Aussi l’idéologie néolibérale a-t-elle besoin de boucs émissaires : nous le sommes.

Ne nous laissons pas prendre dans les rets de cette piètre rhétorique. N’oublions pas que c’est par la lutte qu’ont été obtenus tous les droits qui étaient – en leur temps – impossibles.
Patrice Bégnana