TAFTA : C’EST PIRE QUE CE QU’ON PEUT IMAGINER !

vendredi 12 décembre 2014
par  Sud éducation 66

Depuis juillet 2013, un Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement (GMT / PTCI / TAFTA en anglais) se négocie dans la plus totale opacité entre le gouvernement des Etats-Unis et la Commission Européenne.

Ce traité de renforcement du libre échange dont les dispositions majeures sont particulièrement inquiétantes pour l’action locale, vise plusieurs objectifs :

1. Abolir les barrières douanières encore existantes (article 10 du Traité)
En particulier dans l’agriculture, où elles demeurent élevées et où elles protègent ce secteur de la démesure de la production américaine, bovine ou céréalière.

2. Mettre à bas les barrières « non tarifaires » (articles 24 et 45)
Les responsables des deux parties reconnaissent que le principal objectif du TTIP consiste bien plus à supprimer les « barrières non tarifaires », c’est-à-dire réglementaires (sociales, environnementales, sanitaires…) qui restreignent les profits potentiels des entreprises transnationales sur les marchés américains et européens.
Il s’agit de démanteler l’appareil réglementaire et législatif des 28 États de l’Union européenne, (considéré par les multinationales comme une entrave à leur liberté de commercer et d’investir) puisqu’une norme, un principe de précaution , une politique sanitaire deviennent « des entraves à la libre concurrence ». Afin de garantir la « sécurité de l’investissement », les pouvoirs publics ne pourront du reste pas changer les conditions d’exploitation, par exemple introduire une nouvelle norme ou revenir sur une privatisation.
Ce traité soumet les prérogatives des États au contrôle des multinationales.

3. Permettre aux firmes privées d’attaquer les législations et les réglementations des États et des collectivités locales (article 23)
Cela chaque fois que ces firmes considéreront qu’il est fait obstacle à la concurrence, à l’accès aux marchés publics, à l’investissement et aux activités de service. Ces poursuites pourront se faire, non pas devant les juridictions nationales ou européennes mais, devant des « groupes d’arbitrage privés » constitués de trois avocats d’affaires, l’article 4 du mandat (voté par les États membres à l’unanimité) précisant : « les obligations de l’Accord engageront tous les niveaux de gouvernements ». C’est-à-dire votre commune, comme les départements, les régions ou l’État.
Une telle action en justice coûtant en moyenne 8 millions d’euros, les firmes transnationales auront tous moyens pour imposer des Partenariats Publics Privés à des collectivités territoriales budgétaire-ment asphyxiées.
Ce traité limiterait donc de façon drastique la capacité décisionnaire des pouvoirs publics à tous les échelons.

4. Attaquer les droits sociaux
Avec le TAFTA (qui primerait sur les lois des États comme les traités européens), un État ne pourrait conserver une législation protectrice des salariés si elle n’existe pas sur le territoire d’origine de l’investisseur, puisqu’elle sera alors considérée comme une entrave au libre commerce, principe supérieur de l’organisation sociale.
Par exemple, le paiement de congés payés, la réglementation sur la durée du temps de travail, les comités d’entreprise, l’égalité hommes/femmes, le SMIC, peuvent être susceptibles de constituer des mécanismes diminuant la rentabilité des investissements, et donc jugés contraires au traité. Tout ce qui concerne les droits syndicaux : information syndicale sur le temps de travail, droits à des congés de formation syndicale seront inévitablement considérés comme une entrave au libre-échange.

5. D’autres secteurs sont impactés par ce traité comme la culture, la propriété intellectuelle, les finances (impossibilité de taxer les transactions ou de contrôler les banques et paradis fiscaux), les libertés individuelles...

Quelques exemples pratiques :
Seront considérés comme des entraves à la « concurrence libre et non faussée » :
◘ le cahier des charges d’une commune pour ses cantines, qui imposerait un certain niveau de qualité, de garantie de traçabilité, de production locale pour la nourriture ;
◘ l’attribution d’une subvention jugée contraire à la concurrence libre et non faussée. (Les écoles publiques, confessionnelles, sous contrat ou pas, devront être subventionnées au même taux par l’État, les communes, …) ;
◘ pour les marchés publics, le fait de favoriser la proximité, donc les PME locales, principales sources d’emplois et de richesses pour la ville (fournitures scolaires, entretien, constructions, …) ;
◘ les exigences écologiques (limitation de l’effet de serre, traitement des eaux de rejet) et sociales (% d’emplois réservé aux habitants du quartier) pour une entreprise s’installant sur la commune ;
◘ la possibilité de protéger certains secteurs de production et de services en les déclarant « exception aux règles de l’OMC » sur le territoire (protection de l’agriculture de proximité, principe de précaution sanitaire contre la concentration locale d’antennes de téléphonie mobile, maintien de services publics locaux, etc.) ;
◘ les services publics (sécurité sociale, éducation, gestion de l’eau, …). Seules l’armée, la production d’armes, l’émission de monnaies seront hors traité (et l’audiovisuel pour l’instant) ;
◘ l’interdiction des OGM, du bœuf aux hormones, du poulet chloré, … De plus, aucune traçabilité ou mention obligatoire sur l’emballage ne sera possible !
◘ le refus d’exploitation des gaz de schistes, le soutien aux énergies renouvelables ;
◘ les AOP (Appellation d’Origine Protégée) et les IGP (Indication Géographique Protégée). Au mieux elles deviendraient « achetables » et on retrouverait le problème actuel des semences ;
◘ le refus de l’entrée ou le contrôle des médicaments génériques américains alors que nous les savons peu fiables ;
◘ les normes en cours(NF, CE, …). Le nivellement se fera par le bas, normes des jouets, des appareils ménagers et industriels, de la construction…

Depuis avril 2014 de nombreuses collectivités territoriales, villes, départements, régions, ont adopté une motion en conseil municipal pour déclarer leur collectivité « Hors-Tafta ». Une campagne est lancée sur les PO et l’Aude. Six communes audoises (Mireval-Lauragais, Cenne-Monestiés, Limoux, Durban, Sougraigne et Castelnaudary) ont déjà fait le pas, il en faut beaucoup plus !

Que pouvez-vous faire ?

Collectif Stop TAFTA 66