SAUVONS LA GRÈVE… OU GAGNONS AVEC LA GRÈVE ?

jeudi 12 juin 2008
par  Sud éducation 66

Par Jacques Maire (Sud Éducation Vaucluse)

Je suppose bien comprendre le sens de la récente apostrophe "sauvons la grève", adressée à plusieurs reprises aux organisations syndicales.

Mais je suppose également que ce sens ne puisse être tout aussi clair aux yeux de nombre de nos camarades salariés et ouvriers des secteurs privé et public, plus encore aux yeux de celles et ceux débutants dans leur carrière professionnelle ou dans leur prise de conscience personnelle.

La grève ? Pourquoi faire ?

Serait-il question de "sauver la grève" ?... ou plutôt de rappeler ce à quoi la grève doit absolument servir, de rappeler ce qu’elle doit absolument produire, pour qu’elle puisse permettre de gagner ?
Je me questionne encore sur les productions potentielles de cette démarche, même si je suis convaincu de ce qui la guide ; quel risque de servir ici de point d’appui supplémentaire à ceux défendant de "nouveaux" modes d’action, répandant plus avant si c’était nécessaire l’inutilité ou le caractère dépassé ou nostalgique de la grève ?

Les syndicats - Partout des chefs ?

Cette adresse indifférenciée aux différentes organisations syndicales contribue par ailleurs à la poursuite des amalgames inexacts, qui ne peuvent qu’engendrer le pire, entretenir au mieux les réactions du style "tous les mêmes", qui peuvent vite devenir ensuite "tous pourris"... Je souhaite rappeler ici que les organisations syndicales historiques sont structurées (comme les entreprises !...) suivant un schéma hiérarchique pyramidal, avec un "chef" et plusieurs "petits chefs". Il n’en est pas de même pour celle dont je fais partie ; adhérent d’un syndicat départemental SUD Education, je participe aux assemblées générales, dans lesquelles je décide régulièrement en votant ; ma voix a strictement la même valeur que celle de tout membre du syndicat ; les orientations et décisions sont prises en assemblée générale. Au niveau national, il existe des syndicats SUD Education départementaux et académiques ; ces syndicats autonomes sont réunis au sein d’une fédération, dans laquelle ils prennent part de la même manière aux décisions et choix de positions fédérales au travers de leur vote dans des Conseils Fédéraux réguliers.

La grève - Dans le passé ... et aujourd’hui !

Il faudrait probablement apprendre pour beaucoup, rappeler pour certains l’histoire sociale : la grève des salariés et des travailleurs ne peut produire que dans une perspective de blocage, ou de risque de blocage économique, il n’en a jamais été autrement.

Les inventeurs de nouvelles solutions dans lesquelles les salariés et travailleurs espèreraient avoir du poids sans jamais perdre ou risquer de perdre un euro de leur salaire se reproduisent, à chaque échéance, comme un aveu d’impuissance.

Les exemples très récents ne manquent pourtant pas : les scénaristes états-uniens viennent de gagner devant les majors du cinéma, après 3 mois de grève, après avoir infligé des pertes considérables à l’industrie télé-visuelle américaine, ils n’avaient pourtant pas l’opinion avec eux.

Les cheminots allemands viennent eux aussi de l’emporter après un conflit de 9 mois, ils ont obtenu 10 % d’augmentation de salaire.
Les salariés et travailleurs qui gagnent me paraissent toujours gagner pour les mêmes raisons ; de même, les perdants perdent pour les mêmes raisons que dans les défaites précédentes !

La grève de 2003 - Il est temps de digérer pour gagner à nouveau

Mais peut-être est-il temps de revenir sur la terrible défaite subie par les personnels de l’Education Nationale en 2003, année durant laquelle il était question de liquidation des MI-SE, de la première grande attaque sur le régime de retraite, ainsi que du transfert de nos collègues TOS aux collectivités locales. Il serait facile là aussi de simplement jeter la pierre aux organisations syndicales ou à leurs dirigeants pour celles ainsi structurées ; je ferai d’ailleurs partie de ceux qui seraient particulièrement critiques à l’égard de certaines positions d’alors plutôt incompréhensibles et totalement contre-productives...

Mais ces "chefs" n’ont pas perdu à notre place, ces organisations non plus !

Nous avons perdu, dans le secondaire et le supérieur, parce que nous n’avons pas su décider nombreux, ensemble, de prendre possession de notre plus puissant moyen d’action, seule possibilité à notre disposition pour être enfin écoutés.

Nous avons perdu, dans le primaire, parce que nous n’avons pas su décider nombreux, ensemble, de sortir de notre fonction implicite et imposée "d’école-garderie".

Nous avons perdu face à notre culpabilité devant les examens de nos élèves, devant les examens de nos propres enfants, devant les angoisses des parents se demandant où "caser" leur enfant, devant une morale bien pensante omniprésente, devant cette "opinion publique" fantasmatique en permanence utilisée, manipulée par les médias les plus complaisants et le pouvoir...

Il est peut-être temps d’y penser à nouveau, il est peut-être temps d’y réfléchir, il est peut-être temps d’en reparler ensemble...

Soyons enfin tous plus sûrs de nous-mêmes, sûrs de notre puissance ensemble, espérons aujourd’hui arriver assez nombreux à avoir conscience de ce que nous avons pour nous et nos enfants, à perdre... ou à gagner !