LIVRE : ÉLOGE DE LA GRATUITÉ

dimanche 10 septembre 2006
par  Sud éducation 66

Jean-Louis Sagot-Duvauroux, De la gratuité. Éditions de l’Éclat (2006)
Livre gratuitement téléchargeable sur :
http://www.lyber-eclat.net/lyber/sagot1/gratuite.html

Avant de parler du fond de ce livre, parlons de sa forme ou plus précisément de son support, qui est ici tout sauf secondaire. De la gratuité, de Jean-Louis Sagot-Duvauroux, est un texte gratuitement téléchargeable sur Internet. Mais il ne s’agit pas d’un texte ancien tombé dans le domaine public, comme c’est le cas, selon la législation française, pour tout texte (ou traduction) paru depuis plus de 70 ans : c’est un « lyber », c’est-à-dire un texte qui, dès sa parution, est voulu par l’auteur comme gratuitement disponible. On peut par ailleurs l’acheter dans sa forme « papier », ce qui relève ici autant de l’acte militant que du confort de lecture.

Ce livre est composé d’un texte paru en 1995, Pour la gratuité – que l’auteur « met à jour » par des notes, mais qui n’a pour l’essentiel rien perdu de son actualité – précédé d’une longue « préface » (près de la moitié du livre), Rêves en crise, écrite en 2006. Il mène une réflexion d’ensemble sur la notion de gratuité dans notre société, en abordant tous les grands domaines concernés (culture, logement, transports, etc.). Nous nous en tiendrons ici à ses analyses sur l’éducation.

Jean-Louis Sagot-Duvauroux explique par exemple comment les récents gouvernements, de gauche comme de droite, ont procédé à une « privation indirecte » de l’éducation, notamment en plaçant l’école publique en situation non plus de coexistence, mais de concurrence avec l’école privée. Et dans cette concurrence-là, l’école publique à forcément tout à perdre et l’école privée tout à gagner, puisque la concurrence (même – ou surtout – faussée) est par définition une valeur du secteur privé, d’autant que l’éducation cesse peu à peu d’être une priorité en termes budgétaires : « Dans certains quartiers, on y est déjà. L’école publique y devient un service balai, recueillant par défaut ceux qui n’ont pas d’autre issue. Non plus service public, mais dispositif social. En face, des entreprises de droit privé proposent aux enfants des conditions plus tranquillisantes d’accès aux savoirs. »

L’auteur rappelle également pour quelles raison la gratuité inspire à certains hostilité ou méfiance. Lors de l’institution de l’école gratuite au début du siècle dernier, l’Eglise catholique, qui y était farouchement opposée, considérait que « la gratuité de l’école est un piège : l’instruction facilement acquise perdra son prix, et les enfants risquent de ne plus avoir la gratitude salutaire envers leurs parents si ceux-ci ne sont pas contraints de se sacrifier pour les envoyer à l’école. » Pour les libéraux d’aujourd’hui, la gratuité de l’école représente tout simplement un « manque à gagner » intolérable, presque un vol.

Nous ne saurions trop vous recommander la lecture de ce livre qui, non content de confirmer, si besoin était, notre attachement à la gratuité de l’école, ouvrira à beaucoup de nouveaux horizons sur ce qui peut ou doit être gratuit dans nos sociétés.

Marc Anglaret