L’HOSPITALISATION D’OFFICE EN PSYCHIATRIE - UNE LOI MONARCHIQUE TOUJOURS EN VIGUEUR

vendredi 12 septembre 2008
par  Sud éducation 66

Par Roland Veuillet

Imaginez quelques instants la situation suivante : Vous êtes assis tranquillement sur un banc public en train de lire votre journal. Soudain, venus de nulle part surgissent quatre hommes, assez baraqués et tout vêtus de banc. « Allez, vous disent-ils gentiment, il faut nous suivre », ils vous saisissent fermement, et vous embarquent dans une ambulance. Votre première réaction en pareil cas sera bien évidemment d’essayer d’obtenir une explication. Mais on ne vous en donnera pas, on se contentera de vous répondre avec condescendance. Dans un deuxième temps, vous allez vous indigner d’être considéré ainsi, vous allez même vous mettre en colère et peut-être vous débattre, et c’est normal : Vous être dans votre bon droit et, on vient de vous importuner. Là c’est immédiatement la piqûre, vos convoyeurs ne vont pas prendre de risques inutiles, et la dose sera forte. Vous arrivez ainsi à l’Hôpital Psychiatrique, complètement groggy, accompagné du commentaire, « attention, il est en crise ». L’HP prendra donc ses précautions et doublera la dose. C’est dans ces conditions que vous rencontrerez le premier psychiatre, qui bien sûr confirmera l’Hospitalisation d’Office. Là vous êtes parti pour une bonne semaine d’isolement, voire davantage.

Témoignage exagéré ? Pas du tout ! C’est ce qui arrive chaque année à plusieurs milliers de personnes, comme le réseau « Résistons ensembles » (*) s’en est fait l’écho encore récemment.

En effet, dans la France d’aujourd’hui, toute personne saine d’esprit peut en l’espace de quelques minutes se retrouver internée en cellule d’isolement et, y demeurer un certain temps. La loi le permet… Une vieille loi de 1838, datant d’une époque où la monarchie restaurée, se voulait constitutionnelle, en légalisant les anciennes lettres de cachet. Cette loi permettait d’embastiller en psychiatrie toute personne « pour trouble à l’ordre public », c’était plus soft que le cachot. Ce texte est toujours en vigueur, et les gouvernements de droite, comme de gauche n’y ont jamais touché depuis, l’appliquant certes avec plus ou moins de rigueur. Le régime de Vichy fut celui qui l’employa avec le plus de zèle.

Les modalités d’exécution de cette loi sont très simples et très arbitraires. Elle comprend deux dispositions : La première est dite « à la demande d’un tiers », la seconde dite « à la demande de l’autorité administrative ». Dans le premier cas, il suffit que deux personnes proches d’une troisième s’adressent à un médecin complaisant, pour que cette dernière se retrouve en HP ; On voit là tous les dérapages possibles en matière d’héritages, ou de conflits familiaux. La deuxième disposition permet quant à elle, à l’autorité administrative (le maire et le Préfet) d’en décider ainsi, pour ce faire, ils demandent un certificat médical à deux médecins (de la police par exemple). Dans ce deuxième cas, on voit l’utilisation liberticide qui peut être faite contre tout opposant, en période de tension sociale, par un pouvoir autoritaire. Il n’est pas inutile de signaler que cette législation a largement inspiré l’Union Soviétique Brejnévienne, qui psychiatrisait ainsi tous les dissidents dans les années 70.

Ce qu’il faut retenir surtout, c’est que cette loi, a été récemment actualisée par les articles sécuritaires de PERBEN, et elle s’inscrit pleinement dans le dispositif dit « prévention de la délinquance ». Et depuis, on constate une recrudescence de son utilisation... par les commissariats de police. Finie donc la garde à vue du simple colleur d’affiches nocturne, maintenant il ira faire un petit tour dans le nid de coucou. Quant à ceux qui manifestent, leurs revendications seront caractérisées « d’improductives » (c’est le terme psychiatrique employé...).

Enfin, sur un plan strictement thérapeutique, l’Hospitalisation d’Office est absurde, car même lorsqu’il y a trouble psychopathologique, le traitement ne peut être apporté qu’avec l’adhésion du patient. Ce qui ne peut pas être le cas lors d’un internement sous contrainte, souvent violent.


(*) http://resistons.lautre.net