FINANCEMENT DES ÉCOLES PRIVÉES PAR LES FONDS PUBLICS : JUSQU’OÙ LAISSERA-T-ON FAIRE ?

dimanche 10 décembre 2006
par  Sud éducation 66

Par Sud Éducation Calvados

En application de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 et de la circulaire n°2005-206 du 2 décembre 2005 signée conjointement par les directeurs de cabinets des ministres de l’Education Nationale et de l’Intérieur, la participation financière de la commune de résidence à la scolarisation d’un jeune dans l’école privée d’une autre commune devient obligatoire. Jusqu’alors, seuls les frais de scolarité dans une école publique hors de la commune de résidence étaient pris en charge et cela dans trois cas seulement : « la commune est tenue de participer financièrement à la scolarisation d’enfants résidant sur son territoire lorsque leur inscription dans une autre commune est justifiée par des motifs tirés de contraintes liées aux obligations professionnelles des parents, à la scolarisation d’un frère et d’une soeur dans un établissement scolaire de la même commune ou à des raisons médicales » (5ème alinéa de l’article 212-8 du Code de l’Education). La scolarisation dans une école privée hors de la commune n’a même pas à répondre à ces trois critères pour que la commune de résidence doive y participer financièrement.

Ainsi, non seulement la circulaire du 2 décembre 2005 introduit la parité entre école publique et école privée mais encore elle donne avantage à la seconde ! Les écoles privées, déjà largement subventionnées par l’Etat, vont bientôt recevoir des mannes des municipalités et cela sans que ces dernières puissent s’y opposer. Au-delà du fait que cette disposition va peser très lourdement sur les finances des communes, il faut relever le scandale d’un financement accru des écoles privées par les fonds publics ! Si le principe de la liberté de l’enseignement est constitutionnel depuis 1977, la scolarisation dans une école privée ressort justement d’un choix privé des familles et la collectivité n’a pas à payer pour un tel choix. Elle a déjà fort à faire à assurer à tous les citoyens l’accès à un service d’éducation public, laïque et gratuit.

L’idée de parité entre école publique et école privée, introduite par l’article 89, constitue une remise en cause fondamentale du principe de laïcité qui fonde le contrat social républicain et du devoir de l’Etat vis-à-vis du service public d’éducation. Non, l’école privée n’est pas une école « comme les autres » ne serait-ce que parce qu’elle est payante, parce qu’elle dispose d’une maîtrise quasi totale des inscriptions et qu’elle n’est liée à aucune carte scolaire. Mais surtout, elle est presque toujours de nature confessionnelle, autrement dit peu ou prou adossée à une Eglise. Si cette mesure législative est une action claire de promotion de l’école privée au détriment de l’école publique, elle est encore une introduction de la logique de marché au sein du champ de l’éducation. Elle incite à choisir son école comme on choisit une boutique ; elle encourage les réponses individuelles au besoin d’éducation plutôt que les solutions collectives ; elle considère l’éducation comme une marchandise qu’on pourrait se procurer indifféremment chez un « fournisseur » public ou privé.

Le combat laïque n’est pas un combat d’arrière-garde, comme on voudrait le faire croire, car la mainmise de l’Eglise et de l’Entreprise sur l’éducation ne sont pas des choses du passé. Au contraire, il est temps que tous ceux qui sont attachés à l’école publique, laïque et gratuite s’unissent face aux attaques concertées dont elle fait l’objet.