DES COUCHES ET DES SIESTES

vendredi 12 septembre 2008
par  Sud éducation 66

Par Patrice Bégnana

Xavier Darcos, le 3 juillet dernier, devant la commission des Finances du Sénat :

« Est-il vraiment logique, alors que nous sommes si soucieux de la bonne utilisation des crédits de l’État, que nous fassions passer des concours bac + 5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de changer leurs couches ? » s’est-il gravement demandé.

C’est la scolarisation des deux trois ans qu’il visait et donc l’école maternelle.

Or, une fois ses propos connus, les réactions ont fusé. On a dénoncé les erreurs du ministre. Un enfant doit être propre pour rentrer à la maternelle. La belle affaire. On oublie les siestes ! Et dès lors, on laisse finalement intactes les attaques du ministre.

On a certes insisté sur les prouesses de l’école maternelle. Était-ce pertinent ? Certainement. Était-ce efficace ? J’en doute.

Xavier Darcos a un fils de sept ans et demi et est Inspecteur général de l’Éducation nationale. Il ne peut ignorer ce qu’est l’école maternelle. Ses propos étaient adressés à des sénateurs qui ont tout le loisir de s’informer. Il ne peut s’agir d’une bourde.

Les propos de Xavier Darcos appartiennent à une stratégie de la communication qui a déjà été mise en œuvre par l’actuel locataire de l’Élysée. D’abord, il s’agit d’occuper le terrain et surtout de choisir son terrain. Pendant que les réactions fusent, le reste passe pour un temps aux oubliettes. Ensuite, le ministre passe pour briser un tabou, pour remettre en cause des privilèges, etc. Et peu importe les inexactitudes factuelles. C’est le contraste entre le niveau de diplôme et le public dont s’occupent les enseignants qui restera dans l’opinion publique. Et l’opinion publique pense peu, pense mal, ne pense pas.

Enfin, il est clair que la fonction sociale de l’école maternelle est ce que Darcos veut remettre en cause. Grâce à sa gratuité, grâce à l’amplitude de son ouverture – diminuée dès cette année par la baisse horaire à l’école primaire – et grâce au brassage social qu’elle permet, l’école maternelle est une verrue sur le visage du libéralisme triomphant.
Des structures privées qui sélectionnent les enfants par l’argent et donc en fonction de leur milieu social, voire de leur origine ethnique ; des structures privées suffisamment rares pour que les mères célibataires et toutes les classes dangereuses aient le plus grand mal à trouver du travail ; des structures privées dont le personnel sera plus ou moins diplômé : voilà ce que dessine les propos de Xavier Darcos. Ses “erreurs”, grossières, ne sont qu’une manœuvre de diversion. Ne tombons pas dans le piège !