APPRENDRE À LIRE

vendredi 10 février 2006
par  Sud éducation 66

Nous, éducateurs, enseignants, militants de mouvements pédagogiques et d’éducation populaire, nous désobéirons à la circulaire du Ministre de l’Education Nationale préconisant une méthode de lecture contraire à la visée émancipatrice de l’Education.

Depuis plusieurs mois, le terrain se préparait minutieusement : jeter le doute dans l’opinion publique, apeurer les parents, valoriser certaines pratiques pédagogiques... Les événements de novembre renforçant ces peurs et ces doutes ont stigmatisé une partie de la jeunesse et de ses enseignants. Cette série de désinformations et leur circulation organisée à l’échelle nationale a été une véritable propagande gouvernementale. L’opinion publique ainsi conditionnée pouvait recevoir et applaudir la circulaire ministérielle.

Obliger une méthode d’apprentissage est déjà en soi un déni d’éducation, une réduction de l’acte d’enseigner à un simple geste d’exécution, la classe à une somme de techniques et de recettes. Mais lorsque cette méthode vise l’asservissement, l’assujettissement, la docilité de la jeunesse, nous sommes bien dans la propagation d’une idéologie politique écrasant toute émancipation possible de l’éducation.

Des méthodes d’apprentissage où l’enfant est chercheur à celle où l’enfant est dressé, le choix idéologique est limpide : refuser à l’enfant dès le plus jeune âge de penser, lui ôter le désir de questionner, de comprendre, de connaître, lui imposer une obéissance passive en le contenant par des exercices répétitifs et mimétiques... L’obéissance au code phonétique modèlera son comportement et le temps passé à répéter passivement réduira celui à penser, à créer, à communiquer...

Au-delà de l’apprentissage de la lecture c’est toute une volonté d’agir sur les capacités réflexives et complexes de compréhension du monde de toute une jeunesse.

Une jeunesse qui déchiffre et une jeunesse qui lit, l’école publique affiche sa séparation, pour les uns le minimum scolaire et pour les autres l’environnement culturel assuré par les organismes privés.
Les jeunes des couches populaires sauront tous déchiffrer ! Au moins les programmes de télévision, la publicité et autres objets utiles à la consommation. Des textes simplifiés, utilitaires pour eux, quelques textes littéraires distribués au compte-gouttes et pour les plus méritants, quelques accès aux grandes écoles. Quant aux autres, aux fameux "héritiers", ils auront la transmission culturelle par la famille, l’école et les activités culturelles privées...

La méthode syllabique a également un sérieux atout économique ! Plus la peine de réduire les effectifs, de dédoubler des classes, faire répéter les enfants tous ensembles sons et syllabes peut supporter un certain nombre d’élèves. Pour les récalcitrants, puisque tout sera fait à l’école, ils seront traités au cas par cas dans les programmes de réussite éducative en contractualisant les familles qui devront accepter l’échec, la rééducation et l’orientation comme allant de soi. Les solutions préconisées aux individus ne coûteront rien à l’Education Nationale puisque déléguées au privé : orthophonistes, soutiens scolaires, formations à distance, éditions scolaires et parascolaires...

On est bien loin de l’école publique, laïque et gratuite pour tous !

Le gouvernement a commencé par la méthode de lecture, emblématique de cette propagande politique et idéologique mais qu’arrivera-t-il aux enseignements des mathématiques, de l’histoire, des arts ....ils ne pourront pas demeurer des espaces de mise en œuvre de la pensée.
De Robien est bien conscient que sa circulaire est insuffisante en regard des programmes de 2002, c’est pourquoi il a annoncé qu’ils seront changés car... trop chargés.
D’autres circulaires ? D’autres programmes ?

Alors restons vigilants et appelons à la désobéissance professionnelle et civile !

Institut Coopératif d’Education Moderne
(ICEM)

SUD Education 66 souscrit pleinement à cette analyse et est signataire de ce texte.
La démarche démagogique, électoraliste et populiste de l’analyse est édifiante. La méthode assimilant le B.A .BA et le syllabique donnait peut-être des résultats de déchiffrage mais elle était enseignée trois heures minimum par jour sur cinq jours, soit quinze heures par semaine minimum.
Ces moyens ne sont pas à l’ordre du jour, il n’y a aucun miracle à attendre de cette méthode désuète, inadaptée à nos programmes. De plus elle nie le sens de la lecture et insulte l’intelligence de nos élèves. Désobéissance civile…OUI !